Précis Domat - Droit parlementaire - 6e - 211

FONCTIONNEMENT DU PARLEMENT
Les seules limites à la priorité des rappels au règlement sont, outre le droit de l'orateur qui a
la parole à n'être pas interrompu, celui du Gouvernement qui l'obtient quand il la demande. D'autre part, une pratique constante exclut les rappels au règlement entre des explications de vote ou
après celles-ci et avant un scrutin78. Enfin, lorsque les questions au Gouvernement ont été instituées, la conférence des présidents a décidé le 1er octobre 1974 de ne pas laisser interrompre leur
déroulement et de reporter les rappels au règlement à la fin du temps qui leur était consacré79.
Exceptionnellement, le président Chaban-Delmas a donné la parole à M. Ducoloné avant que la
séance soit suspendue, pour un rappel touchant le déroulement de cette séance : la réponse du
Gouvernement à une question du groupe communiste avait occupé les 4/5e du temps dont disposait ce groupe, qui n'avait pu en poser une autre (28 octobre 1987, p. 4988). Le 13 novembre
2012, le ministre de l'Intérieur, M. Valls, ayant pris à partie l'opposition et provoqué un vif
tumulte, le Président a suspendu la séance ; à la reprise il a donné la parole au président du groupe
UMP pour un rappel au règlement, mais la séance de questions ne s'est pas poursuivie et on est
passé à la suite de l'ordre du jour80. D'ailleurs, les rappels au règlement à la reprise de la séance
ne sont pas rares.

La priorité dont bénéficient les rappels au règlement explique que cet incident
de procédure soit fréquemment détourné de son objet pour évoquer des questions
ne figurant pas à l'ordre du jour. L'article 58 RAN dispose certes que si l'intervention n'a manifestement « aucun rapport avec le règlement, un fait personnel
ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé ou si un précédent rappel
au règlement avait le même objet, le Président lui retire la parole », mais la plus
grande tolérance prévaut à cet égard, de telle sorte que les rappels au règlement sont
devenus un moyen courant pour tourner les contraintes de l'ordre du jour.
Ils permettent d'abord d'évoquer une affaire d'actualité, de réagir à un événement, voire « d'interpeller » le Gouvernement qui ne devrait pas théoriquement
répondre, mais qui le fait parfois, au point qu'un « mini-débat » peut s'engager,
auquel participent, toujours sous couvert de rappels au règlement, les différents
groupes. Tout en recommandant aux présidents de séance de s'en tenir à une pratique rigoureuse, le groupe de travail sur la réforme du Règlement a admis « la
possibilité de donner brièvement la parole, au début des séances de l'après-midi,
à un représentant de chaque groupe politique pour s'exprimer sur un sujet d'actualité, lorsqu'ils estimeraient que l'importance exceptionnelle de l'événement le justifie »81.
Le coup d'envoi semble avoir été donné le 18 mai 1978 à propos de l'affaire de Kolwezi, le
ministre de la Défense finissant par se rendre à l'Assemblée pour répondre aux questions de
M. Mitterrand82. L'intervention de la police au siège d'une radio socialiste a provoqué un débat
le 29 juin 197983. Cette pratique a été reprise après 1981 par l'opposition84, puis après 1986 : sous
le couvert de rappels au règlement, M. R. Dumas interrogea le garde des Sceaux qui, n'ayant pas
répondu, se heurta à une obstruction qui l'empêcha de présenter le projet inscrit à l'ordre du jour
le 9 décembre 198785.

■ 78. 23 février 1988, p. 280.
■ 79. M. A
« L'heure des questions au Palais Bourbon », Mélanges offerts à Georges Burdeau,
LGDJ, 1977, p. 368.
■ 80. CCF, nº 145, p. 200.
■ 81. La réforme du Règlement de l'Assemblée nationale, Les documents d'information AN, 1994, p. 12.
■ 82. CCF, 7, p. 413.
■ 83. Ibid., p. 416.
■ 84. Par exemple, ibid., nº 23, p. 419, et nº 33, p. 176.
■ 85. Ibid., nº 40, p. 189 et 45, p. 204.
MELLER

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