Précis Domat - Droit parlementaire - 6e - 414

DROIT PARLEMENTAIRE

§ 3.
500

L'ENGAGEMENT DE RESPONSABILITÉ SUR LE VOTE
D'UN TEXTE DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 C

Le mécanisme de l'article 49, alinéa 3. On a évoqué, à propos des opérations mixtes (nº 393), comment l'engagement de responsabilité s'articulait avec la procédure législative : lorsque le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, ce texte est « considéré comme
adopté » à moins qu'une motion de censure ne soit déposée et votée dans les conditions de l'alinéa 2.
Cette disposition couvre « l'angle mort » révélé par la pratique de la question de confiance
sous la IVe République. Aux termes de l'article 49 de la Constitution de 1946, la confiance ne
pouvait être refusée qu'à la majorité absolue des députés, mais le texte sur lequel elle était engagée était adopté ou rejeté dans les conditions ordinaires de la procédure législative, c'est-à-dire à
la majorité des suffrages exprimés. La faille provenait de ce que l'article 49 dissociait « le texte,
sur lequel le Gouvernement engage son existence, de la question de confiance proprement dite »,
comme on le constata à la fin de la IVe République18 : il s'ensuivait qu'en vertu de la Constitution
le Gouvernement dont le projet était repoussé à la majorité simple n'était pas tenu de démissionner dès lors que la confiance ne lui avait pas été refusée à la majorité absolue, mais il n'en était
pas moins battu puisque son texte était rejeté et il tirait la conséquence politique de cette défaite
en se retirant volontairement. Ainsi les précautions imaginées pour assurer la stabilité gouvernementale se trouvaient-elles tournées. Le nœud de la contradiction résidait dans les abstentions qui,
n'entrant pas dans le décompte des suffrages exprimés, permettaient à une minorité de battre le
Gouvernement dans un scrutin où les seuls votes pour et contre étaient pris en considération. Acte
apparemment dépourvu d'hostilité, l'abstention équivalait dans les scrutins serrés à un vote contre
sans qu'on puisse lui imputer la responsabilité de la crise.

Le 3e alinéa de l'article 49 de la Constitution de 1958, qui tire la leçon de l'expérience, donne la priorité à la logique politique sur la procédure législative, dont il
subordonne l'issue au dépôt et au vote d'une motion de censure. La censure ne pouvant être prononcée qu'à la majorité absolue et seuls les députés qui l'approuvent
prenant part au scrutin, les abstentionnistes sont désormais présumés soutenir le Gouvernement tant qu'ils ne prennent pas la responsabilité de le censurer. Ce mécanisme
ingénieux aboutit à renverser en quelque sorte la charge de la preuve, qui ne pèse
plus sur le Gouvernement mais sur l'opposition : ce n'est plus à lui de démontrer
qu'il a toujours une majorité, c'est à ses adversaires de faire la preuve qu'il l'a perdue. Tant que cette démonstration n'est pas apportée, les textes du Gouvernement
sont réputés approuvés dès lors qu'il engage sa responsabilité sur leur vote.
La légitimité de ce mécanisme suppose l'existence d'une majorité initiale dont il a pour objet
de neutraliser les défections silencieuses : en ce sens, l'article 49, alinéa 3 n'est logiquement pas
séparable de l'approbation du programme prévue au 1er alinéa, dont on a vu plus haut les vicissitudes. Son emploi devient plus problématique lorsque cette démonstration initiale n'a pas eu lieu
et qu'il devient l'expédient d'un gouvernement minoritaire.

501

La motion de censure en réplique. Lorsque le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement, l'article 155 RAN dispose que « le débat est immédiatement suspendu durant vingt-quatre heures. Dans ce délai, une motion de

■ 18. Exposé des motifs du projet de loi portant révision de certains articles de la Constitution, 16 janvier

1958, Documents pour servir, op. cit. p. 216. Le mécanisme de l'article 49, al. 3 C avait en effet été conçu à
la fin de la IVe République.

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