Droit et Économie - La petite entreprise - 10

10 LA PETITE ENTREPRISE

Tout d'abord, qu'est-ce que l'entreprise ? Il n'est pas inintéressant d'observer
qu'aucune définition n'en est posée par le droit, ce qui rend sa conceptualisation malaisée. Dès lors, est-il opportun de reconnaître l'entreprise, et plus
encore la petite entreprise, comme une notion juridique, voire une catégorie
juridique ? La « science juridique »13 tend à s'organiser autour de catégories
juridiques, a fortiori dans les pays de tradition romano-germanique14. L'effort
de conceptualisation et de systématisation a bien souvent été mis en valeur.
Ainsi qu'il l'a été relevé, « le droit se réalise à l'aide de catégories juridiques,
c'est-à-dire de cadres dans lesquels prennent place les éléments de la vie juridique, selon leurs natures et leurs ressemblances »15. La catégorisation a des
mérites, principalement ceux de l'ordonnancement et de la systématisation,
mais elle emporte le risque, si elle s'effectue de manière trop zélée, de mener
à l'inutilité16. La « tétralogie » proposée par la loi de modernisation de l'économie qui finalement éclate les petites entreprises en plusieurs catégories
n'aboutit-elle pas à cet écueil ? Dès lors, il faut repenser l'opportunité de catégoriser la petite entreprise, et débuter par reconnaître la notion même d'entreprise, avant d'introduire de nouvelles distinctions eu égard à sa taille ?17
Il semble qu'en dépit de la disparité des structures, des caractéristiques propres fédèrent la catégorie de petite entreprise18.
Si une reconnaissance apparaît permise ou souhaitable, son critère de qualification ne fait pas l'objet d'un consensus. Un critère économique tel le
chiffre d'affaires doit-il être privilégié au critère humain du nombre de

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s'être intéressé, bien plus tôt que les autres branches du droit, aux petites entreprises et à
leurs spécificités.
Sur l'aspiration à la scientificité du droit, voir not. : LÉVY-BRUHL H., La Preuve judiciaire, étude de
sociologie juridique, 1964, Petite bibliothèque sociologie internationale, Les classiques de la
sociologie, vol. 9.
Not. : DAVID R., Les grands systèmes de droits contemporains : droit comparé, 1964, Dalloz, nº 11 qui
distinguait, dans cette première édition de l'ouvrage, les familles de droit en fonction de leur
technique juridique et du fondement de l'organisation sociale. Pour une mise en valeur de la
différence entre la tradition romano-germanique et la tradition de common law : LEGRAND P.,
Le droit comparé, Que sais-je ?, 2011, PUF, 4e éd.
TERRÉ F., Introduction générale au droit, 9e éd., 2012, Dalloz, nº 404.
Il a été observé qu'« établir un nombre excessif de catégories (... les rendraient) inutilisables,
alors que la réalisation du droit suppose un échange constant entre le concret et l'abstrait, du
concret à l'abstrait puis de l'abstrait au concret, et ainsi de suite » : TERRÉ F., Introduction générale au droit, précité, nº 404, p. 335.
Sur l'articulation entre la définition des concepts et la determination des catégories, voir
not. : BERGEL J.-L., Théorie générale du droit, 4e éd., 2003, Dalloz, nº 189 et s.
Voir, pour des aspects juridiques liés à l'entreprise exercée sous forme individuelle, la contribution
de LECOURT A., « Réflexions autour du concept de petite entreprise individuelle » qui propose des
éléments d'identification des petites entreprises individuelles. Pour des développements économiques, voir AMANN B. et JAUSSAUD J., « La petite entreprise, perspective économique et de gestion » qui
développent les faiblesses, les atouts des petites entreprises, conduisant ce faisant à esquisser les
contours du concept en économie et en gestion.
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