Droit et Économie - La petite entreprise - 150

150 LA PETITE ENTREPRISE

Le premier dispositif significatif en la matière, applicable à tout entrepreneur individuel, a eu pour objet de protéger sa résidence principale contre
les poursuites de ses créanciers professionnels, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du Code civil. Cette protection, mise en place par la loi
nº 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique, a d'abord reposé
sur le mécanisme d'une déclaration d'insaisissabilité par l'entrepreneur
individuel, en la forme notariée, ayant pour objet les droits qu'il détient
sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale. Cette faculté a ensuite
été étendue par la loi nº 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de
l'économie à tout bien foncier bâti ou non bâti non affecté à l'usage
professionnel1. La loi nº 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a modifié ce dispositif pour accorder à l'entrepreneur individuel le bénéfice d'une insaisissabilité de plein
droit de sa résidence principale, sans avoir donc à procéder à une déclaration particulière2.
Cette protection de la résidence principale de l'entrepreneur individuel ne
doit cependant pas faire trop illusion. D'abord, l'entrepreneur peut renoncer, en la forme notariée, à l'insaisissabilité, en faveur d'un ou plusieurs
créanciers professionnels3. Dans les faits, nul doute que ces derniers, en particulier ceux accordant des prêts à l'entrepreneur, ne manqueront pas de
demander le bénéfice d'une telle renonciation4. Ensuite, la portée réelle de
la protection est sujette à discussion, surtout lorsque l'entrepreneur
individuel se trouve placé en procédure collective, et tout particulièrement
en liquidation judiciaire. En la matière, une jurisprudence fournie en
témoigne, alors même que la protection de la résidence principale reposait
encore sur le mécanisme d'une déclaration. Sans doute la Cour de cassation
a-t-elle reconnu une certaine efficacité à la déclaration d'insaisissabilité de la
résidence principale en admettant son opposabilité au liquidateur dès lors
qu'elle avait été régulièrement publiée avant l'ouverture de la procédure5.
1. C. com., art. L. 526-1 et s.
2. Si l'immeuble est affecté pour partie seulement à un usage professionnel, la partie non professionnelle demeure insaisissable sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.
À noter également le report prévu par la loi de l'insaisissabilité sur le prix de vente de la
résidence principale sous condition de remploi du prix à une nouvelle résidence principale
dans le délai d'un an (C. com., art. L. 526-1 et L. 526-3).
3. Cette renonciation bénéficie en outre au cessionnaire de la créance (C. com., art. L. 526-3).
4. Sous un angle familial, la question se posera peut-être de savoir si la renonciation à l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale ne doit pas être regardée comme un acte de
disposition au sens de l'article 215 alinéa 3 du Code civil, auquel cas le conjoint devrait luimême y consentir, à peine de nullité de la renonciation. La notion d'acte de disposition au
sens de ce texte est en effet entendue très largement en jurisprudence.
5. Jurisprudence initiée à partir de : Cass. com., 28 juin 2011, Bull. civ. IV, nº 109, D. 2011,
p. 1751, obs. LIENHARD A. ; D. 2011, p. 2485, point de vue LEGRAND V. ; D. 2012, p. 1509, obs.
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