Droit et Économie - La petite entreprise - 157

EIRL ET ASPECTS DE DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE 157

des biens indivis affectés, au su du coindivisaire et sans opposition de sa part,
devrait en revanche et plus sûrement lui permettre de se prévaloir d'un mandat tacite couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition
ni la conclusion ou le renouvellement des baux19.
Ensuite, et bien évidemment, l'un des points clé consiste dans la protection
du patrimoine personnel, familial, de l'EIRL. Tel est bien en effet l'objectif
principal de la loi que de circonscrire au patrimoine affecté le gage des
créanciers professionnels de l'entrepreneur dès lors que l'affectation leur
est opposable. Le dispositif mis en place ne manque pas, a priori, d'intérêt
sous le régime de la communauté. Il est admis, dans l'opinion dominante,
que l'affectation de biens communs au patrimoine professionnel de l'un
des époux neutralise le désastreux article 1413 du Code civil selon lequel
un époux engage en principe la communauté par ses dettes, quelle qu'en
soit la cause. L'entrepreneur individuel n'engage pour son activité que ses
biens personnels et les biens communs affectés. Les autres biens communs
dépendent du patrimoine non affecté et servent de gage général exclusif à
ses créanciers non professionnels. Ils échappent ainsi aux créanciers professionnels cantonnés au patrimoine d'affectation et, le cas échéant, à l'actif
d'une procédure collective éventuellement ouverte en raison de l'activité
professionnelle de l'entrepreneur individuel20. Il ne faut cependant pas
trop se bercer d'illusions. L'efficacité du cloisonnement des patrimoines
suppose qu'il ne soit pas lui-même imprudemment neutralisé par des cautionnements ou autres sûretés réelles ou personnelles souscrits par l'un des
époux au profit des créanciers de l'autre. Tout l'intérêt de l'opération tomberait si, par exemple, le conjoint de l'entrepreneur s'engageait en qualité
de codébiteur ou de caution. Pire encore si l'entrepreneur consentait
lui-même à l'emprunt ou au cautionnement souscrit par le conjoint21.
L'article 1415 pourrait bien en somme venir jouer les trouble-fêtes. L'efficacité du cloisonnement des patrimoines en cas d'ouverture d'une procédure
collective suppose également que l'entrepreneur n'ait pas imprudemment
confondu ses patrimoines affecté et non affecté. Le risque pourrait être
celui d'une extension de la procédure pour confusion des patrimoines, ce
qui aurait pour conséquence de réunir un ou plusieurs autres patrimoines
du débiteur EIRL au patrimoine visé par la procédure22.
19. C. civ., art. 815-3, dernier alinéa.
20. Voir en particulier : SIMLER Ph., « EIRL et communauté de biens entre époux », JCP G, nº 1-2,
10 janv. 2011, 4 ; voir aussi : LEROYER A. M., « EIRL », RTD civ. 2010, p. 632 ; SAINTOURENS B., « L'instauration du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée par la loi du 15 juin 2010 »,
RTD com. 2010, p. 681 ; HENRY L. C., « L'affectation des biens communs ou indivis », art. précité.
21. En ce sens : SIMLER Ph. « EIRL et communauté de biens entre époux » et HENRY L. C.,
« L'affectation des biens communs ou indivis », art. précités.
22. C. com., art. L. 621-2.

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