Droit et Économie - La petite entreprise - 33

LE CONCEPT DE PETITE ENTREPRISE INDIVIDUELLE 33

L'artifice ne peut cependant tenir ; cette tentative de personnalisation des
petites entreprises individuelles est vaine dès lors que, in fine, c'est bien l'entrepreneur qui paie les impôts, les taxes ou les cotisations, c'est bien lui qui
en est redevable. Ce n'est donc pas l'entreprise elle-même, en tant qu'entité autonome, qui en est tenue.
Quant aux éléments actifs et de passifs, ils appartiennent à l'entrepreneur,
non à l'entreprise. Les droits interne et européen de la concurrence
comme le droit des entreprises en difficulté ont sans doute été le plus loin
dans la tentative8. La Cour de justice, en application du traité « Communauté européenne du charbon et de l'acier » (CECA), avait clairement assimilé l'entreprise au concept de personne physique ou morale9. Au-delà,
l'entreprise en général est le destinataire naturel des règles de concurrence
édictées dans le traité de fonctionnement de l'union européenne (TFUE)
ou aux articles L. 410-1 et suivants du Code de commerce. Les entreprises
individuelles sont en effet placées au cœur de la répression des ententes,
abus de position dominante, abus de marché... Quant aux procédures d'insolvabilité, le Code de commerce se réfère fréquemment à l'entreprise, à
son traitement en cours de période d'observation, à sa gestion, à la poursuite de son activité... Mais là encore, l'artifice est visible. De fait, ce sont
bien plutôt les personnes morales qui sont concernées ; ce sont également
les personnes physiques, entrepreneurs individuels, qui répondent effectivement des pratiques anticoncurrentielles reprochées à ces entités. Quant
aux procédures de prévention comme de traitement des difficultés, elles
s'adressent avant tout aux personnes physiques et morales. Pour preuve,
les plans de sauvegarde ou de redressement peuvent être subordonnés à
une augmentation de capital ou à l'éviction des dirigeants... ce qui n'a
de sens que pour une personne morale. De même, il n'y a jamais vraiment
de cession de l'entreprise au sens strict ; l'opération ne porte en effet que
sur des éléments d'actif, non sur des dettes. Or, il n'existe pas d'entreprise
sans passif. Enfin, il est évident que lorsque l'article L. 621-16, alinéa 2,
du Code de commerce offre la possibilité à l'administrateur d'inscrire au
nom de l'entreprise tous hypothèques, nantissements, gages ou privilèges
que le chef d'entreprise aurait négligé de prendre ou de renouveler, cette
inscription se fait au nom de l'entrepreneur, seul titulaire des droits. La
dissociation entre l'entreprise et l'entrepreneur est donc essentiellement
symbolique ; elle n'a pas de réalité juridique mesurable. L'autonomie juridique des petites entreprises individuelles n'est qu'une chimère.

8. IDOT L., « La notion d'entreprise », Rev. sociétés 2001, p. 191.
9. CJCE, 22 mars 1961, Rec. CJCE, p. 101.

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