Droit et Économie - La petite entreprise - 74

74 LA PETITE ENTREPRISE

Il est assez classique de définir le consommateur comme une personne physique qui réalise un achat de biens ou de service dans un but privé6. Bien
que les critères de la définition puissent être discutés7, ce but « privé et personnel », par opposition au but « professionnel », aurait pu avoir pour effet
d'exclure l'entrepreneur individuel du champ de la protection. La petite
entreprise, exploitée en nom propre, agit-elle en qualité de consommateur
lorsqu'elle contracte dans un domaine distinct de celui de son activité ?
Le droit antérieur à la réforme8 a donné lieu à une évolution. Initialement, la
jurisprudence privilégiait le critère de la compétence de l'auteur de l'acte de
consommation. Induisant une extension de la délimitation classique du droit
de la consommation eu égard à la qualité des contractants, et ce faisant la
protection de la partie en position de faiblesse du fait du déséquilibre de
compétence, les juges considéraient que pouvaient être protégés ceux qui
n'avaient pas de connaissance dans le domaine du contrat conclu et cela
bien qu'ils agissent dans le cadre de leur activité professionnelle.
Si le critère de la connaissance était louable, en ce qu'il conduisait à une
protection équitable, justifiée au vu des besoins réels de protection, il avait
pour écueil d'opérer une extension, jugée parfois inopportune, du droit de
la consommation, et plus encore, d'introduire un certain empirisme. La
malléabilité du critère de la compétence, de la connaissance dans le
domaine, rendrait malaisée et peu prévisible l'application de la législation
et réglementation consuméristes.
Pour pallier cette insécurité juridique, par un revirement de jurisprudence
intervenu le 24 janvier 19959, la Cour de cassation a privilégié un critère
plus objectif, pour délimiter la catégorie des consommateurs : celui de l'absence de lien direct avec l'activité professionnelle. Ce nouveau critère du
6. Sur la notion de consommateur, PICOD Y., Droit de la consommation, précité, nº 35 et s. ; CALAISAULOY J. et TEMPLE H., Droit de la consommation, précité, nº 6 et s. ; PELLIER J.-D., Droit de la consommation, précité, nº 11 et s. ; RAYMOND G., Droit de la consommation, précité, nº 35 et s. Sur le
consommateur agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité, voir not. :
Cass. 1re civ., 22 septembre 2016, nº 15-18858 (à paraître au Bulletin), D. actualité, 3 octobre 2016,
obs. DELPECH X. ; Gaz. Pal. 13 décembre 2016, nº 44, note PIÉDELIÈVRE S.
7. En ce sens, not. : CALAIS-AULOY J. et TEMPLE H. qui considère que la définition de consommateur se compose de trois éléments : CALAIS-AULOY J. et TEMPLE H., Droit de la consommation, précité, nº 7 et s.
8. Réforme opérée par la loi nº 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, puis par
l'ordonnance nº 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la
consommation.
9. Cass. 1re civ., 4 janvier 1995, Bull. civ. I, nº 54 ; D. 1995, Jp, 327, note PAISANT G. ; D. 1995, somm.
comm., 325, obs. DELBECQUE Ph. ; D. 1995, somm. comm., 310, obs. PIZZIO J-P. ; RTD civ. 1995,
p. 362, obs. MESTRE J. ; CCC 1995, comm. nº 84, note LEVENEUR L. La Cour a affirmé que les dispositions du Code de la consommation « ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures de
biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le
cocontractant ».
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