Droit et Économie - La petite entreprise - 98

98 LA PETITE ENTREPRISE

À notre sens, le développement de la négociation de branche ne doit nullement aboutir à limiter le développement de la négociation d'entreprise,
laquelle est seule capable, y compris dans les plus petites structures, d'adapter la norme à ses besoins spécifiques. Le juge constitutionnel l'a d'ailleurs
décidé très tôt32 : alors même qu'il faisait le lien entre principe de participation et négociation collective en tant que processus de création de normes, il estimait aussi que le monopole des organisations syndicales en
matière de négociation collective ne répond à aucune exigence constitutionnelle. En somme, pour le Conseil constitutionnel, les syndicats doivent
simplement jouer un rôle prépondérant (mais non exclusif) en ce qui
concerne la négociation collective. À l'époque, il lui était demandé de se
prononcer sur le premier dispositif expérimental qui prévoyait la conclusion d'accords de branche d'une durée de trois ans autorisant une négociation avec les représentants élus du personnel ou avec un salarié mandaté.
Chacun sait que le dispositif n'est aujourd'hui plus simplement expérimental et que la loi du 4 mai 2004, puis la loi du 20 août 2008, la loi du
17 août 2015 (la loi du 8 août 2016 contient aussi quelques dispositions techniques en ce domaine) et les ordonnances réformant le Code du travail ont
progressivement œuvré dans le sens d'un développement réel de cette
négociation qualifiée de dérogatoire, parce que non réalisée avec un délégué syndical. Tous ces textes vont naturellement dans le bon sens lorsqu'il
s'agit de permettre à des entreprises de taille modeste dépourvues de délégué syndical de négocier, notamment pour aménager le temps de travail et
coller aux réalités concrètes de celles-ci. Les textes actuellement en vigueur
mettent ainsi en place un dispositif équilibré puisqu'ils redonnent priorité à
l'intervention syndicale et rendent la négociation envisageable (et donc la
possibilité d'adapter la règle de droit, notamment en matière de durée du
travail) lorsque l'entreprise de moins de cinquante salariés n'a pas de délégué syndical.
Il est possible de se féliciter, au demeurant, des assouplissements progressifs
proposés par le législateur au fil des réformes pour favoriser la négociation
avec les élus ou avec les salariés mandatés dans les petites entreprises33, sans
pour autant que le rôle des syndicats ne soit bafoué. Ainsi, s'agissant de la
négociation avec les élus, essentiellement les délégués du personnel dans
les petites entreprises, priorité est donnée au mandatement syndical : cela
se matérialise notamment par le fait que les représentants élus mandatés
par une organisation syndicale représentative peuvent négocier sur tous
les thèmes possibles, alors que les élus non mandatés ont un champ de
32. Cons. const., 6 novembre 1996, nº 96-383 DC ; Dr. ouvrier 1996, p. 479, note LYON-CAEN G. ;
Dr. soc. 1997, p. 25, obs. MORIN M.-L.
33. Sur les règles nouvelles issues de la loi du 17 août 2015, voir notamment : GAURIAU B., « La
négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux », Dr. soc. 2015, p. 878 et s.

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