Hors collection - Lectures critiques du Code des relations entre le public et l'administration - 94

86 SUR LA DÉFINITION DE L'ACTE ADMINISTRATIF UNILATÉRAL

qu'il soit vraiment utile à  l'agent, ou au juge confronté à une multitude
de cas de figure différents.
Si cette définition s'adresse aussi accessoirement aux universitaires,
on peut craindre une réponse critique. D'une part, on peut penser qu'il
n'y a pas tout simplement pas de définition, ou et d'autre part que cette
définition trop brève ne correspond pas au réel. Ainsi par exemple, pour
Benoit Plessix, le Code se contente d'« énumérer des catégories d'actes administratifs unilatéraux sans livrer la moindre définition »3. Pierre Delvolvé,
qui a consacré un solide commentaire à  l'article 200-1 du Code, propose
un décodage habile avec une conclusion sévère, considérant que le texte
aurait pu être plus précis et rigoureux4. Ces critiques restent néanmoins
prudentes, car les auteurs connaissent trop bien les limites du lexique juridique pour qu'il soit possible de construire une définition susceptible de
décrire la complexité de la réalité5.
Il est certain qu'il existe une difficulté sérieuse à dire et à expliciter
ce que sont la forme et le contenu de la relation juridique par laquelle
l'Administration s'adresse au public. On peut même se demander si cette
relation peut être conceptualisée, car l'entreprise conduit à une perte de
la réalité. Tout travail de définition est douteux, car aussi méthodique et
rigoureux soit-il, il ne dévoile qu'une part de l'expérience pratique des
usagers et des agents publics6.
Il reste que l'on ne peut se contenter de nous « débrouiller » avec la
complexité du système juridique. Les choses se dégradent quand on
commence à tout mélanger et à faire appel à une forme d'intuition empirique. Par ailleurs, il est évident que l'affaire est trop sérieuse pour laisser
au seul législateur le soin de s'en occuper7 et il paraît essentiel de maintenir
un travail de définition et d'analyse critique. Il ne s'agit pas, naturellement,
de récuser le travail du législateur. Toute définition d'une manière générale,
contient une part de normativité et de jugement8 et le législateur est très
largement en situation d'y contribuer.
3. B. Plessix, Droit administratif général, éd. Lexis-Nexis 2016, p. 924.
4. P. Delvolvé, « La définition de l'acte administratif unilatéral », RFDA 2016, n° 1,
p. 35 et s.
5. Sur une tentative de définition normativiste de l'acte unilatéral, v.  la thèse de
B. Defoort, La décision administrative, LGDJ 2015, coll. Bibl. Dr. Publ., t. 286.
6. Sur cette méfiance vis-à-vis du langage que l'on trouve déjà chez Platon, v. F. Niezsche,
Introduction théorétique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral (1873) in Le livre
du philosophe, éd. Garnier Flammarion, coll. Poche 2014.
7. V. B. Defoort, « Définir la décision administrative dans le futur Code des relations
entre le public et les administrations ? », AJDA 2015, p. 811 et s.
8. V. J.  Benoist, Concepts, une introduction à  la philosophie, 2010, éd. ChampsFlammarion, col. Essais, 2013, p. 51 à 68.
Hors collection - Lectures critiques du Code des relations entre le public et l'administration

Table des matières de la publication Hors collection - Lectures critiques du Code des relations entre le public et l'administration
