Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 101

Le rôle du juge de l'exequatur
Jérémy Jourdan-Marques
Maître de conférences à l'Université de Lorraine

1. Quel est le rôle du juge de l'exequatur ? Trivialement, sa mission est de permettre à
une décision de bénéficier du soutien de la force publique dans le cadre d'une procédure d'exécution forcée. Sa mission consiste alors à pallier l'absence d'imperium
de l'arbitre1 et, surtout, l'absence de territoire au sein duquel sa décision s'impose
naturellement. Toutefois, se limiter à cette réponse conduirait à mélanger les effets
de la procédure - l'apposition de la formule exécutoire - et la mission confiée à ce
juge. Le juge de l'exequatur est le gardien de son ordre juridique. Il est le censeur de
l'insertion d'une norme extérieure au sein de l'ordonnancement interne.
2. L'efficacité d'une décision non française - jugement étranger ou sentence arbitrale
internationale - sur le territoire national ne tient pas, historiquement, de l'évidence.
Il a fallu un arrêt Parker pour que le juge français admette que les jugements étrangers puissent être déclarés exécutoires2. Cet arrêt est à l'origine de « l'action en
exequatur, qui aujourd'hui encore est l'instrument essentiel de son exécution [du jugement étranger] »3.
La procédure d'exequatur a vocation à s'assurer de la régularité de la décision avant
de l'intégrer dans l'ordre juridique français. En effet, on conçoit mal d'accorder sans
contrôle la force exécutoire à une décision rendue par un juge autre que le juge
français. La confiance accordée à nos juridictions internes ne bénéficie pas aux
juridictions n'appartenant pas à l'ordre juridique français4. Il est donc nécessaire
de s'assurer que ladite décision ne heurte pas les valeurs de l'ordre juridique avant
que l'assistance de la force publique ne soit sollicitée5. La procédure d'exequatur

1. Ch. JarrossoN, « Réflexions sur l'imperium », in Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p. 245 ; D. CHeKrouN,
L'imperium de l'arbitre, thèse dactyl. s/s la direct. d'E. JeulaNd, Paris I, 2008.
2. Cass. civ., 19 avr. 1819, Holker c. Parker, S. 1819, I, 129 ; GADIP, Dalloz, 5e éd., 2006, n° 2, note B. aNCel et
Y. lequette ; pour un panorama complet de la question, aussi bien historique que de droit comparé : M. loPez de teJada,
La disparition de l'exequatur dans l'espace judiciaire européen, préf. B. aNCel, coll. Bibl. de droit privé, 2013, n° 25
et s. et 57 et s. ; pour l'arrêt Parker et ses suites ; D. alexaNdre, Les pouvoirs du juge de l'exequatur, préf. A. Weill, coll.
Bibl. de droit privé, 1970, n° 17 et s.
3. B. aNCel, Y. lequette, note s/s Cass. civ., 19 avr. 1819, Holker c. Parker, GADIP, Dalloz, 5e éd., 2006, n° 2, spéc. n° 6.
4. Il est intéressant d'observer que l'Union européenne a inversé le principe, en accordant de plein droit l'exequatur aux
décisions issues de l'Union : Article 39 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale : « Une décision rendue dans
un État membre et qui est exécutoire dans cet État membre jouit de la force exécutoire dans les autres États membres sans
qu'une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire ».
5. B. audit, L. d'avout, Droit international privé, Economica, 7e éd., 2013, n° 509.

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