Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 107

LE RôLE DU JUGE DE L'EXEQUATUR

les juridictions varie, sur cette période, de 6 à 27 %38. Ainsi, en 2011, quatre sentences
ont été déclarées contraires à l'ordre public, trois en 2012 et deux en 2013. Bien que
les chiffres soient en recul - une seule sentence déclarée contraire à l'ordre public
en 2014 et une seule en 2015 - il n'en demeure pas moins que chaque année le juge
constate la contrariété à l'ordre public de certaines sentences.
Récemment, deux exemples ont défrayé la chronique. Dans l'affaire Vasarely, la
fraude a confiné à la caricature. La cour d'appel a ainsi constaté que les « conditions
même dans lesquelles l'arbitrage a été décidé, organisé et conduit, dans une situation
caractérisée de conflits d'intérêts et caractérisant le concert frauduleux des parties
à l'arbitrage, que celui-ci doit être regardé comme participant d'un simulacre mis en
place par certaines des parties pour favoriser leurs intérêts au détriment de ceux d'une
autre »39. Dans l'affaire Tapie, les liens unissant une partie à un arbitre ont conduit,
non pas à l'annulation, mais à la révision de la sentence40.
13. Les hypothèses d'infirmation d'une ordonnance d'exequatur suite à la contrariété de la sentence à l'ordre public international existent. Un exemple topique est
donné dans le cadre de l'Affaire des Frégates de Taïwan41. Le président du tribunal
de grande instance de Paris avait accordé l'exequatur à la sentence. Pourtant, il a
été établi devant la cour d'appel de Paris que celle-ci avait été obtenue grâce à une
fraude procédurale42.
En jurisprudence, on rencontre également le cas d'une sentence arbitrale contrevenant à une loi de police43, d'une sentence arbitrale qui serait inconciliable avec une
autre décision de justice44 ou encore d'une sentence arbitrale obtenue par fraude45.
La problématique concerne aussi bien la sentence rendue à l'étranger que celle

38. P. giraud, La conformité de l'arbitre à sa mission, op. cit., Annexe.
39. Paris, 27 mai 2014, Vasarely, Rev. arb. 2014, somm. p. 520 ; D. 2014, p. 2541, obs. Th. Clay ; Gaz. Pal. 21-22 nov. 2014,
p. 21, obs. D. BeNsaude ; l'arrêt a été approuvé : Cass. 1re civ., 4 nov. 2015, vasarely, D. 2015, p. 2326, obs. P. Noual ;
JCP G 2015, p. 1370, § 1, obs. J. ortsCHeidt ; D. 2015, Pan. p. 2588, spéc. p. 2598, obs. Th. Clay.
40. Paris, 17 févr. 2015, D. 2015, p. 1253, note D. mouralis, p. 425, édito. Th. Clay et p. 2031, obs. L. d'avout ;
Cass. 1re civ., 30 juin 2016, D. 2016, p. 1505 ; JCP 2016, p. 954, note S. Bollée ; D. 2016, p. 2025, obs. L. d'avout.
41. Paris, 1er juill. 2010, « Affaire des Frégates de Taïwan », Cah. arb. 2011, p. 741 (1re espèce), note L.-C. delaNoy ;
Rev. arb. 2010, p. 856, note B. audit ; sur la décision de surseoir à statuer : Paris, 7 septembre 1999, Rev. arb. 2001,
p. 583 (2e espèce), obs. J.-B. raCiNe.
42. « La sentence, surprise par des manœuvres frauduleuses, méconnaît l'ordre public international, ce dont il résulte
que l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 4 septembre 1996 lui ayant conféré
l'exequatur doit être infirmée ». Il est vrai que l'ordonnance d'exequatur avait été rendue le 4 septembre 1996 alors que
la cour d'appel a fondé sa décision sur une ordonnance de non-lieu datée du 1er octobre 2008. Néanmoins, on peut
se demander s'il n'existait pas déjà, à l'époque, des éléments qui auraient pu faire douter de la possibilité d'accorder
l'exequatur à cette sentence.
43. Cass. 1re civ., 15 mars 1988, Rev. arb. 1990, p. 115 (1re espèce), note L. idot.
44. Paris, 4 déc. 2012, Planor Afrique, Rev. arb. 2013, p. 411 (2e espèce), note C. deBourg ; D. 2012, Pan. p. 2991,
obs. Th. Clay : il est vrai que dans cette espèce, l'exequatur de la sentence arbitrale avait été ordonné antérieurement à la
reconnaissance de la décision du juge burkinabé, rendant impossible un contrôle préalable du président du TGI ; v. égal.
Paris, 26 mars 2013, Rev. arb. 2013, p. 532.
45. Paris, 25 juin 2013, Rev. arb. 2014, p. 120, note A. de FoNtmiCHel ; Gaz. Pal. 2013, n° 270-271, p. 18, obs.
D. BeNsaude ; LPA 2014, n° 20, p. 20, obs. A. CaNoNiCa ; Paris, 9 avr. 2009, Cah. arb. 2010, p. 889 (2e espèce),
note E. loquiN ; LPA 2011, n° 38, p. 9 (1re espèce), obs. M. de BoissésoN ; D. 2010, Pan. p. 2933, obs. Th. Clay ;
Rev. arb. 2009, p. 436 ; JCP E 2009, n° 50, 2167, § 8, obs. J. ortsCHeidt ; Paris, 17 juin 1997, Rev. arb. 1997, p. 583,
obs. D. Bureau.

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