Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 112

L'EXÉCUTION DES  SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

on peut raisonnablement se demander ce qu'il en est du contrôle du président du
tribunal de grande instance78.
En outre, l'existence d'une voie de recours n'est pas suffisante pour justifier un
examen prima facie. L'intégrité de l'ordre juridique est affectée dès l'instant où la
sentence arbitrale est revêtue de l'exequatur79. Cette difficulté est renforcée par
le décret du 13 janvier 2011 qui a consacré à l'article 1526, alinéa 1er, du Code de
procédure civile le caractère non suspensif du recours80. Par conséquent, il n'est
pas exclu que l'ordre juridique ait déjà prêté main-forte à l'exécution d'une sentence
contrevenant à ses intérêts publics81. Le recours, si tant est qu'il ait lieu, sera sans
doute insuffisant pour restaurer l'intégrité de l'ordre juridique, notamment si les
fonds ont quitté le territoire.
De plus, l'exercice d'un contrôle « réel » - si tant est qu'il le soit devant la cour d'appel
- de la conformité de la sentence arbitrale à l'ordre public international est laissé à
l'initiative des parties82. Pour que la cour d'appel soit mise en mesure d'examiner la
sentence, encore faut-il préalablement que la partie contre laquelle l'exequatur est
demandé interjette appel contre l'ordonnance d'exequatur83. La Cour de cassation
est même allée jusqu'à dispenser la cour d'appel d'un tel contrôle en cas de silence
des parties84, renforçant l'importance du rôle joué par les parties en matière d'ordre
public. On peut s'étonner que la préservation de l'ordre public international soit
confiée à des personnes privées...
21. En définitive, la nécessité pour l'État de préserver ses intérêts publics est mise à
mal par le refus d'exercer un contrôle suffisant sur la sentence préalablement à son
exequatur. Pourtant, en cas de blanchiment d'argent, corruption ou autre infraction
pénale, le risque est grand que la sentence ne soit jamais examinée par la cour
d'appel, aucune des parties à la sentence n'entendant en contester l'exécution. Il
apparaît alors quelque peu paradoxal de prôner un contrôle effectif de la sentence
arbitrale sans s'assurer préalablement que le juge puisse être saisi. On en vient à
plaider une restauration du rôle du juge de l'exequatur.

78. Toutefois, il est vrai que ce débat est largement biaisé dès lors que l'examen effectué par le juge du recours est
potentiellement insuffisant et pourrait être remis en cause par la jurisprudence.
79. v. égal. : M. loPez de teJada, La disparition de l'exequatur dans l'espace judiciaire européen, op. cit., n° 348 et s.
80. CPC, art. 1526 : « Le recours en annulation formé contre la sentence et l'appel de l'ordonnance ayant accordé
l'exequatur ne sont pas suspensifs ».
81. En ce sens : J.-P. migNard, B. Huet, « Exequatur des sentences arbitrales : pour une procédure contradictoire »,
Gaz. Pal. 2013, n° 249-250, p. 10.
82. Il est vrai qu'en pratique, le défendeur aura tendance à systématiquement soulever la violation de l'ordre public
international par la sentence pour s'opposer à l'exequatur : P. mayer, « La sentence contraire à l'ordre public au fond »,
Rev. arb. 1994, p. 615, n° 14.
83. CPC, art. 1525, al. 1er : « La décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence
arbitrale rendue à l'étranger est susceptible d'appel ».
84. Cass. 2e civ., 14 déc. 1992, Rev. arb. 1995, p. 441, comm. C. KessedJiaN, p. 381 : « dès lors que les demandeurs au
recours en annulation n'avaient pas allégué que les arbitres auraient violé l'ordre public, la cour d'appel n'était pas tenue
de rechercher d'office une telle violation ». Lors de l'entrée en vigueur du décret de 1981 relatif à l'arbitrage international,
certains auteurs justifiaient d'ailleurs le caractère limitatif du contrôle exercé par le juge de l'exequatur par la possibilité
laissée aux parties de couvrir l'irrégularité par l'acquiescement : P. Bellet, E. mezger, « L'arbitrage international dans le
nouveau Code de procédure civile », Rev. crit. DIP 1981, p. 611, spéc. p. 638.

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