Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 125

L'EXÉCUTION PROvISOIRE DE LA SENTENCE INTERNATIONALE

la sentence29. À l'inverse, le créancier ne peut pas établir l'inexistence du risque
de lésion grave des droits du débiteur en démontrant le caractère non sérieux des
moyens sur lesquels le débiteur a fondé son recours en annulation30.

§ 3 - LE JUGE FRANÇAIS EST DEPUIS PEU REVENU
À UNE ANALYSE SIMILAIRE À CELLE ADOPTÉE AUPARAVANT
24. La jurisprudence la plus récente semble toutefois avoir évolué. Elle apprécie en
effet le critère du « risque de lésion grave », en prenant en compte des considérations
purement économiques au regard tant du débiteur que du créancier31, comme avant
la réforme de 2011.
25. S'agissant tout d'abord de la situation économique du débiteur, celle-ci est
examinée en tenant compte principalement de la survie, de la pérennité ou de la
continuité éventuelle de son activité, et subsidiairement, de la disproportion entre
l'exécution provisoire de la sentence et le résultat attendu du recours.
26. Trois ordonnances rendues en 2014 par le CME semblent le confirmer. Tout
d'abord, dans l'ordonnance rendue le 27 mars 2014 dans l'affaire opposant la société
Fairtrade à la société Façonnable, le CME a ordonné l'aménagement de l'exécution
provisoire par la mise en place d'un séquestre des sommes aux motifs qu'il existait
un risque de cessation des paiements du débiteur en cas d'exécution de la sentence32.
27. De même, dans une ordonnance du 3 avril 2014, le CME a fait droit à la demande
de la société Farmex tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire d'une sentence internationale rendue en France en faveur de la République d'Arménie, Foreign Financing
Projects Management Center of the Ministry of Finance (FFPMC)33. Le CME a estimé
en effet que l'exécution immédiate était susceptible de léser gravement Farmex
en compromettant sa pérennité. Le CME s'est appuyé d'une part, sur une attestation d'un cabinet d'audit indiquant que les comptes significativement créditeurs du
débiteur étaient bloqués ou portaient sur des titres nantis et d'autre part, sur un
courrier du commissaire aux comptes indiquant que la continuité de l'exploitation
serait compromise.
28. Enfin, dans une ordonnance rendue le 4 juillet 2014, le CME a arrêté l'exécution provisoire de la sentence à la demande de la société Assurances Pilliot, en

29. Ord. CME, CA Paris (pôle 1 - ch. 1), 8 mars 2012, P. Costante dit Pierre Cardin et autre c. société Ratti SpA.
30. J. PelleriN, l. de maria, op. cit., p. 786 ; Ch. JarrossoN, J. PelleriN, « Le droit français de l'arbitrage après le décret du
13 janvier 2011 », in Rev. arb. 2011, p. 75, n° 109 ; Ch. seragliNi, J. ortsCHeidt, Droit de l'arbitrage interne et international, Montchrestien, 2013, p. 878, n° 965 ; E. loquiN, « Arbitrage - Sentence arbitrale », JCl., fasc. 1042, n° 47 in fine.
31. J. PelleriN, l. de maria, « Le sursis à exécution de la sentence internationale ou étrangère en cas de recours (article 1526,
al. 2) », Cah. arb. 2014 - n° 4, LGDJ Lextenso éditions, p. 787 à 789 ; Ph. leBoulaNger, op. cit., n° 10 ; I. léger, ibid.,
p. 22 et 23.
32. Ord. CME, CA Paris, 27 mars 2014, n° 13/24165, Fairtrade c. Faconnable.
33. Ord. CME, CA Paris, 3 avr. 2014, n° 13/22288, Farmex c. République d'Arménie, Foreign Financing Projects
Management Center of the Ministry of Finance (FFPMC).

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