Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 147

LE CONTENTIEUX DEvANT LE JUGE DE L'EXÉCUTION

La Cour de cassation laisse ici entendre que, le débiteur demeurant à l'étranger, le
juge français de l'exécution ne pouvait liquider l'astreinte que dans la mesure où
l'injonction qu'elle assortissait devait être exécutée en France. L'arrêt ne se prononce
que sur la liquidation d'astreinte, mais l'état d'esprit qu'il dénote autorise la généralisation de la solution et son application aux sentences arbitrales : même lorsqu'elles
ont reçu l'exequatur en France, les difficultés qu'elles soulèvent ne peuvent être
soumises au juge français de l'exécution que si elles ont donné lieu, en France, à une
mesure conservatoire ou d'exécution, ou si le débiteur y demeure.
Un autre arrêt statue dans une espèce où le juge de l'exécution avait prononcé
une astreinte pour forcer l'exécution d'une sentence arbitrale rendue à Marseille.
Lorsqu'il fut de nouveau saisi, pour liquider cette astreinte, le défendeur souleva
une exception d'incompétence internationale. La Cour de cassation approuve la cour
d'appel d'avoir considéré que le juge français de l'exécution était compétent du fait
que le défendeur demeurait en France102. Cette décision semble, elle aussi, conforter
l'approche restrictive.
32. En troisième lieu, l'approche extensive décrite ci-dessus permettrait le forum
shopping de la part des parties, particulièrement de la part du créancier. Il faut garder
à l'esprit qu'obtenir l'exequatur en France d'une sentence internationale est aisé,
parce qu'il n'est pas nécessaire de démontrer qu'elle pourra matériellement y être
exécutée. Certes, on pourrait imaginer d'exiger une telle démonstration au titre de
l'intérêt à agir103, mais, en pratique, le juge de l'exequatur ne vérifie pas cette condition de recevabilité de la demande, se contentant d'appliquer les critères figurant à
l'article 1514 du Code de procédure civile, en s'assurant que l'existence de la sentence
est établie et que son exécution n'est pas manifestement contraire à l'ordre public. De
plus, s'il accorde l'exequatur, son ordonnance ne peut pas faire l'objet d'un appel, sauf
si les parties ont renoncé au recours en annulation104 ou si la sentence a été rendue
à l'étranger105. Au demeurant, lorsque l'appel est possible, la cour d'appel ne peut
refuser l'exequatur à la sentence que pour des causes limitativement énumérées106,
parmi lesquelles ne figure pas le défaut d'intérêt à agir en exequatur.
En définitive, selon l'approche extensive, les parties à une sentence arbitrale internationale pourraient toujours demander au juge français de résoudre les difficultés
relatives à ladite sentence, même sans perspective concrète d'exécution sur le territoire national, et même si le débiteur n'y demeurait pas. Par exemple, on pourrait lui
demander d'en interpréter le dispositif ou de calculer le montant des intérêts dus,
voire de condamner le débiteur à payer des intérêts moratoires, calculés au taux
légal français. Il suffirait d'obtenir préalablement l'exequatur de la sentence, ce qui

102. Cass. 1re civ., 28 mai 2015, n° 13-27750, Thiry c. Cortefiel France ; pourvoi contre CA Reims, 9 juill. 2013, RG
n° 11/03526, Dalloz.fr., après un arrêt ordonnant la réouverture des débats, rendu le 19 févr. 2013, Dalloz.fr.
103. CPC, art. 31.
104. CPC, art. 1522, al. 2, et 1524, al. 1er.
105. CPC, art. 1525, al. 1er.
106. CPC, art. 1520.

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