Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 157

LE CONTENTIEUX DEvANT LE JUGE DE L'EXÉCUTION

A - VÉRIFIER LA RÉGULARITÉ D'UNE MESURE PRATIQUÉE PAR LE CRÉANCIER

54. Les questions que le juge de l'exécution doit résoudre sont assez différentes selon
qu'il vérifie la régularité d'une mesure conservatoire (1) ou d'une mesure d'exécution
(2).

1 - Vérifier la régularité d'une mesure conservatoire
55. Le juge de l'exécution peut avoir à vérifier le bien-fondé d'une mesure conservatoire à la suite d'un recours du débiteur ou à l'occasion de la demande d'autorisation
préalable présentée par le créancier, du moins lorsqu'une telle autorisation est
nécessaire malgré l'existence d'une sentence arbitrale ou lorsque le créancier
décide de la demander, bien qu'il n'en ait pas besoin192. Dans les deux cas, le juge de
l'exécution doit vérifier si le créancier fait état d'une créance paraissant fondée en
son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement193. On
envisagera d'abord la seconde condition, assez rapidement (a), avant de s'attarder
sur la première (b).

a. Circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance
56. Le juge de l'exécution doit simplement vérifier que le recouvrement de la créance
est menacé, ce qui dépend des circonstances de fait. Le seul refus du débiteur d'exécuter la sentence est insuffisant. Le créancier devra faire état de circonstances plus
précises révélant l'existence d'un péril pesant sur le recouvrement, comme, par
exemple, les difficultés financières du débiteur ou une attitude démontrant l'intention
délibérée d'échapper frauduleusement à ses obligations. Ainsi, la cour d'appel de
Paris a considéré que le recouvrement d'une créance était menacé dans une espèce
où les liquidités de la société débitrice étaient très largement inférieures au montant
de la créance et où une part importante de ses capitaux propres correspondait à une
créance de la société mère américaine, ce qui rendait possible un transfert d'actif
au profit de cette dernière194.
Il arrive parfois que la sentence soit déjà exécutoire au moment où le créancier fait
pratiquer une mesure conservatoire. Le choix de cette voie conservatoire, alors que
des mesures d'exécution définitives étaient déjà utilisables, peut se justifier pour
diverses raisons. Notamment, le créancier peut souhaiter garantir l'exécution de la
condamnation prononcée par la sentence en attendant que se réalise la condition à
laquelle son exigibilité est subordonnée195. Le créancier peut aussi souhaiter ménager
le débiteur si des négociations sont en cours en vue d'une exécution volontaire : il
s'abstient alors de pratiquer une mesure d'exécution forcée, mais, par prudence,
prend une mesure conservatoire. Quoi qu'il en soit, ce choix est périlleux parce que,

192. v. supra n° 25.
193. CPC exéc., art. L. 511-1 et L. 512-1, al. 1er.
194. CA Paris, pôle 4 ch. 8, 13 oct. 2011, RG n° 10/21095, Canac Railway Services c. Transrail, Dalloz.fr.
195. CA Paris, pôle 4, ch. 8, 21 janv. 2010, RG n° 09/07583, Saint Jalmes (sté) c. Le Bothan (sté), Lexis360.fr.

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