Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 161

LE CONTENTIEUX DEvANT LE JUGE DE L'EXÉCUTION

implicitement de l'article 1524, alinéa 2, du Code de procédure civile, selon lequel le
recours en annulation emporte dessaisissement de ce juge214.
β) Exequatur octroyé en France par une décision passée
en force de chose jugée
62. La deuxième hypothèse est celle dans laquelle, au moment où statue le juge de
l'exécution, la sentence a reçu l'exequatur en vertu d'une décision devenue définitive. Celle-ci est revêtue de l'autorité de chose jugée, de même que la sentence qui
a constaté l'existence de la créance et arrêté son montant. Le juge de l'exécution
ne peut pas remettre en cause la reconnaissance et l'exécution de la sentence, ni le
dispositif de cette dernière, d'autant plus qu'il n'a pas le pouvoir de s'opposer à l'exécution d'un titre exécutoire215. On voit mal comment le juge de l'exécution pourrait,
en cette circonstance, considérer que la créance n'est pas fondée en son principe216,
sous réserve de trois cas particuliers.
63. Le premier cas est celui dans lequel la sentence a subordonné l'exigibilité de la
créance à une condition. Cette créance conditionnelle peut, en principe, fonder une
mesure conservatoire, à condition toutefois que « la condition ne se transforme pas en
aléa »217 : si la réalisation de la condition devient très incertaine, le juge de l'exécution
peut donner mainlevée de la mesure conservatoire, au motif que la créance ne paraît
pas fondée en son principe. Il en va ainsi lorsque l'existence de la créance dépend
de l'exécution, par un tiers, de ses propres obligations envers le débiteur et que le
tiers conteste, de manière argumentée, l'existence de son obligation218.
64. Le deuxième cas est celui dans lequel un tribunal arbitral a rendu, à propos de
la même espèce, une série de sentences tellement liées entre elles qu'elles sont
« imbriquées ». Certaines ayant été annulées, celle qui ne l'a pas été, quoique revêtue
de l'exequatur, ne permet pas de considérer que la créance qu'elle reconnaît paraît
fondée en son principe219.
65. Le troisième cas a été mis en exergue par la cour d'appel de Paris220. Une première
sentence avait condamné une partie à payer une somme d'argent à son adversaire.
Elle avait reçu l'exequatur par une ordonnance n'ayant fait l'objet d'aucun recours.
Sur le fondement de cette décision, le créancier avait fait procéder à des saisies
conservatoires. Toutefois, entre-temps, une seconde sentence, à laquelle l'exequatur
avait été également accordé, avait annulé (sic) la première. La cour d'appel ordonne

214. CA Douai, 8e ch. 3, 24 mars 2016, RG n° 14/06859, Financière Vauban c. Édifices de France, Lexis360.fr : l'arrêt
se prononce en matière d'arbitrage interne (CPC, art. 1499) mais son raisonnement est parfaitement transposable à
l'arbitrage international.
215. CPC exéc., art. R. 121-1, al. 2.
216. Contra : M.-C. rivier, « L'arbitrage et le droit des procédures civiles d'exécution », préc. note 38, n° 10.
217. Saint Jalmes (sté) c. De Bothan (sté), préc. note 195.
218. Ibid.
219. CA Paris, pôle 4 ch. 8, 1er déc. 2011, RG n° 10/11157, Emeth Distribution c. N, Dalloz.fr.
220. CA Paris, pôle 4 ch. 8, 20 mai 2010, RG n° 09/15571, African Petroleum Consultants c. Société nationale de
raffinage, Dalloz.fr.

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