Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 184

L'EXÉCUTION DES SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

arbitral n'a rendu aucune décision à ce sujet, le juge de l'exécution peut assortir la
sentence d'intérêts moratoires (2).

1 - Calculer le montant des intérêts moratoires
106. Le juge de l'exécution étant compétent pour connaître des difficultés relatives
aux titres exécutoires369, il peut toujours interpréter le dispositif d'un jugement
étatique370 ou d'une sentence arbitrale371. Dès lors, si les parties sont en désaccord
sur le calcul du montant des intérêts moratoires prononcés par la sentence, parce
qu'elles interprètent différemment les modalités de calcul définies dans celle-ci, le
juge de l'exécution doit les départager.
La controverse peut porter, notamment, sur le taux d'intérêt, le point de départ du
cours des intérêts et sur l'anatocisme. Par exemple, si la sentence condamne une
partie à payer à l'autre une somme d'argent, augmentée des intérêts au taux légal,
calculés au 31 décembre de chaque année en fonction de certaines données, on peut
se demander si ces intérêts sont eux-mêmes productifs d'intérêts. Le juge de l'exécution peut alors, par une interprétation souveraine, constater que la sentence exclut
la capitalisation, mais institue seulement un compte d'intérêts, devant s'accroître à
la fin de chaque année, par addition des seuls intérêts calculés annuellement sur le
solde restant dû en principal372.
107. Cela dit, comme il est défendu au juge de l'exécution de modifier le dispositif de
la sentence373, son pouvoir d'interprétation cesse dès lors qu'il faut le compléter et
pas seulement l'interpréter. Une affaire récente illustre la limite entre les deux. Une
sentence arbitrale internationale avait condamné une partie à payer à l'autre une
somme d'argent, assortie d'intérêts au taux LIBOR, sans autre précision. Or, le taux
LIBOR, établi à partir des taux pratiqués par seize grandes banques internationales
établies à Londres, est calculé pour différentes échéances, d'un jour à douze mois374.
Parce que les arbitres n'avaient pas précisé la maturité retenue, il était impossible de
déterminer le taux d'intérêt. Selon la cour d'appel de Versailles, à défaut d'interprétation par le tribunal arbitral lui-même, le juge de l'exécution ne pouvait que réduire
la mesure de saisie-vente mise-en-œuvre par le créancier au seul principal de la
créance, à l'exclusion des intérêts375.

369. COJ, art. L. 213-6, al. 1er.
370. Cass. 2e civ., 9 juill. 1997, n° 94-18320, Société d'automatisation et de réalisations c. Séléction Technique Piscine ;
Bull. civ. II, n° 226 ; RTD civ. 1997, p. 998, obs. R. Perrot.
371. Congo c. Groupe Antoine Tabet (Cass. 2007), préc. note 254.
372. Cass. 1re civ., 30 mai 2012, n° 10-24524, Babel Productions c. Carthago Films.
373. CPC exéc., art. R. 121-1, al. 2.
374. LIBOR signifie London Interbank Offer Rate et désigne non pas un mais plusieurs taux d'intérêts, publiés chaque jour
par la British Banker's Association, à partir des taux auxquels un certain nombre de banques internationales déclarent
quotidiennement être disposées à prêter et à emprunter sur le marché monétaire londonien, à plusieurs échéances et dans
dix devises, notamment la livre sterling, l'euro et le dollar américain. Les taux ainsi définis varient donc chaque jour, en
fonction de la devise et de la maturité, qui va d'un jour à douze mois.
375. Orion Satellite Communications c. Russian Satellite Communications Company (CA versailles, juill. 2016), interprétant
un arrêt rendu dans la même affaire le 31 mars 2016, préc. note 72.

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