Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 204

L'EXÉCUTION DES  SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

un traducteur juré. Il est interdit au magistrat de requérir d'autres informations10.
On peut donc considérer que lorsqu'il est saisi en tant qu'autorité désignée dans le
cadre de la convention de Washington, le président du tribunal de grande instance
ne remplit pas une mission juridictionnelle, mais davantage un acte d'administration
judiciaire, non susceptible de voie de recours sauf illégalité (cas de refus de délivrer
la formule exécutoire) ou fraude.
6. En raison de son originalité, la mise en œuvre pratique du système créé par
la convention de Washington a nécessité une période d'adaptation11, comme en
témoigne, en France, l'exemple fourni par l'affaire Benvenuti & Bonfant c. République
du Congo. Le président du tribunal de grande instance de Paris avait accordé l'exequatur, mais y avait adjoint la réserve suivante : « aucune mesure d'exécution ou même
simplement conservatoire ne pourra être prise en vertu de la sentence ci-dessus, sur
des biens situés en France, sans notre autorisation préalable »12. La cour d'appel de
Paris a rappelé, à cette occasion, que l'article 54 de la convention de Washington
prévoit une procédure simplifiée d'exequatur, les magistrats devant se contenter de
vérifier l'authenticité de la sentence certifiée par le secrétaire général du CIRDI13. On
peut se demander si, en réservant son appréciation préalable pour toute mesure
conservatoire ou d'exécution, le président du tribunal de grande instance n'avait
pas voulu répondre aux devoirs dictés par ses différentes fonctions concurrentes :
autorité déléguée à la reconnaissance et à l'exécution des sentences CIRDI d'une
part, mais également et d'autre part juge du contrôle et de la régularité des mesures
conservatoires et d'exécution (aujourd'hui juge de l'exécution). En la première qualité,
il lui appartenait d'apposer la formule exécutoire ; en sa seconde, il lui revenait de se
réserver l'appréciation de questions relevant notamment du contrôle préalable de
l'octroi de mesures conservatoires (en vertu du droit en vigueur à l'époque14) et du
domaine des immunités d'exécution. Dans une autre affaire, la Cour de cassation,
cassant l'arrêt d'appel, rappela que « la convention de Washington du 18 mars 1965 a
institué, en ses articles 53 et 54, un régime autonome et simplifié de reconnaissance et
d'exécution qui exclut celui des articles 1498 et suivants du nouveau Code de procédure
civile et, en particulier, les voies de recours qui y sont prévues »15.
Par ailleurs, l'application de ce système dans les États fédéraux soulève des
problèmes qui leur sont propres, notamment liés à la formule de l'article 54 (1)

10. A. atallaH, « Quelques remarques sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales CIRDI », Revue des
Juristes de Science Po, nº2, avr. 2010, p. 18.
11. P. PolaseK et S. T. toNova, "Chapter 12: Enforcement against States", in WTO litigation, investment arbitration and
commercial arbitration, J. A. Huerta goldmaN, A. romaNetti and F. X. stirNimaNN (eds), 2013, p. 374.
12. TGI Paris, 23 déc. 1980 (CPC, 1982, p. 204).
13. CA Paris, 26 juin 1981, JDI (Clunet), nº108, p. 843.
14. Cette question est à nouveau d'actualité depuis la loi n° 2016-1691 dite « Sapin II », dont l'article 59 introduit dans
le Code des procédures civiles d'exécution un nouvel article L. 111.1-1 qui soumet à autorisation judiciaire préalable
l'exercice d'une mesure conservatoire ou d'exécution à l'encontre d'un État étranger.
15. Cass. 1re civ., 11 juin 1991, SOABI c. État du Sénégal. La référence de la Cour de cassation aux articles 1498 et
suivants montre que pour elle la question de la protection des biens de l'État (c'est à dire les problématiques d'immunité)
ne se pose pas au stade de la réception purement formelle de la sentence CIRDI, mais fera l'objet d'une contentieux
spécifique ultérieur, en aval de la formalité d'apposition de la formule exécutoire.

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