Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 51

LE RESPECT DES DÉLAIS DE PRESCRIPTION

La question se pose alors de savoir si le tribunal de grande instance saisi devra,
avant de prononcer l'exequatur, vérifier que la sentence arbitrale étrangère n'est
pas déjà prescrite.
5. Une première manière de raisonner serait de considérer que seules les dispositions
de l'article L. 111-4 du Code des procédures civiles d'exécution sont ici pertinentes.
Ce dernier ne visant que la prescription des sentences déclarées exécutoires, aucune
prescription ne serait alors applicable aux sentences avant qu'une décision ne leur
donne force exécutoire.
L'affirmation n'est pas satisfaisante : comment admettre que le créancier qui aura
pris soin de demander l'exequatur d'une sentence arbitrale puisse par la suite se voir
opposer la prescription de l'article L. 111-4 lorsqu'il entendra en poursuivre l'exécution forcée, tandis que celui qui, demeuré doublement inactif, aura omis de le faire
pourrait faire échapper sa même demande d'exécution forcée à la prescription en
ne demandant que tardivement l'exequatur ?
6. Ne faut-il pas plutôt alors considérer que l'article 1514 du Code de procédure civile,
en faisant de l'existence de la sentence une condition de son exequatur, impose au
juge saisi de vérifier que celle-ci ne se trouve pas prescrite ou, à tout le moins, au
juge de l'exécution auquel il sera par la suite demandé des mesures d'exécution de
vérifier ce point ?
Bien que l'article 1515 du Code de procédure civile se contente d'énoncer que « l'existence d'une sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné
de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions
requises pour leur authenticité », on peut en effet raisonnablement penser que l'existence de la sentence arbitrale implique nécessairement que celle-ci ne soit pas, au
moment où il en est demandé reconnaissance, déjà prescrite.
Si l'on admet sur cette voie que la sentence peut se prescrire avant tout exequatur,
le débat se déplace. La question délicate devient celle de la détermination de la loi
applicable à la prescription de la sentence à ce stade : loi du for du juge de l'exequatur ? Loi du for de l'arbitre ? Loi applicable au fond à l'arbitrage ?
Ignorée dans la jurisprudence française, une telle question a expressément été tranchée par les tribunaux canadiens. En l'occurrence, une sentence arbitrale, rendue
en Russie le 6 septembre 2002, avait condamné une société albertaine à verser
près d'un million de dollars à une société russe à la suite d'un litige commercial. La
société russe avait alors présenté une demande en reconnaissance et exécution de
la sentence devant un tribunal albertain, au Canada, plus de trois ans après qu'elle
avait été rendue. Les juges canadiens ont rejeté la demande comme prescrite suivant
la loi albertaine qui fixe un délai de deux ans pour les actions en justice, décision
confirmée par la cour d'appel de l'Alberta, puis par la Cour suprême du Canada4.
S'appuyant sur l'article 3 de la convention de New York selon lequel la reconnaissance

4. Cour suprême du Canada, Yugraneft c. Rexx Management, 240 CSC 19, [2010] 1 RCS 649, Cah. arb., 1er oct. 2010,
p. 1107, note A. PruJiNer.

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