Hors collection - L'exécution des sentences arbitrales internationales - 69

L'UTILISATION DES SûRETÉS POUR GARANTIR L'EXÉCUTION DES SENTENCES ARBITRALES INTERNATIONALES

Et l'on touche alors au cœur de notre sujet : comment, en pareilles situations, alors
que le litige a d'ores et déjà éclaté entre les parties et qu'aucune d'elles ne dispose
d'une sûreté préexistante qui la prémunirait du risque de défaillance, se ménager
une garantie en prévision de l'exécution de la sentence arbitrale ?
3. Il y a sans doute deux manières de répondre : l'une réaliste et l'autre qui peut
sembler relever de l'utopie (mais il n'est pas interdit de rêver...). Le réalisme consiste
à partir du constat qu'un contentieux a éclaté et que toute sûreté s'obtiendra désormais contre le gré du débiteur (§ 1). L'utopie, c'est penser qu'en dépit de leur
mésentente et dans leur intérêt bien compris, les parties pourraient, au seuil de
la procédure arbitrale, se consentir réciproquement des sûretés en garantie de la
sentence à venir (§ 2).

§ 1 - LES SÛRETÉS OBTENUES CONTRE LE DÉBITEUR
4. Le tableau est connu : un litige éclate ; l'instance arbitrale s'engage ; et le créancier craint pour la sauvegarde de ses droits. Il veut donc obtenir une sûreté sur les
biens de son débiteur, mais ne peut pas compter sur la coopération de ce dernier.
Que peut-il faire ? Tout dépend du moment auquel il accomplit ses diligences : agit-il
avant (A) ou après (B) que la sentence a été rendue ?
A - AVANT LA REDDITION DE LA SENTENCE

5. En la matière, les principes semblent assez bien fixés, du moins si l'on se place
du point de vue du droit français de l'arbitrage international. La règle figure à l'article 1468 du Code de procédure civile qui dispose que « la juridiction de l'État est
seule compétente pour ordonner des saisies conservatoires et sûretés judiciaires »9.
Voilà qui est parfaitement logique. Parce qu'elle est une « intrusion dans le patrimoine
d'autrui »10 et qu'elle a donc partie liée avec l'imperium dont est privé l'arbitre11,
l'obtention d'une sûreté judiciaire ou d'une saisie conservatoire suppose l'aval de
l'État sur le territoire duquel la mesure aura lieu12.
Cela implique donc, en France, l'autorisation du juge de l'exécution (ou du président
du tribunal de commerce) qui vérifiera que la créance est fondée en son principe
et qu'il existe des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement (CPC
exéc., art. L. 511-1).

9. Texte qui s'applique à l'arbitrage international (CPC, art. 1506, al. 1er). - On retrouve la même règle à l'article 1449
dans l'hypothèse où le tribunal arbitral n'est pas encore constitué.
10. R. Perrot et Ph. tHéry, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 3e éd., 2013, n° 1125, p. 878.
11. Nous parlons ici de l'imperium à l'état pur ou imperium merum dont l'arbitre est assurément dépourvu : v. C. JarossoN,
« Réflexions sur l'imperium », Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991, p. 245 et s., spéc. n° 58, p. 269.
12. Sur le principe de territorialité de la mesure conservatoire prise dans son ensemble (autorisation judiciaire puis réalisation de la saisie ou inscription de la sûreté), v. Ph. tHéry, « voies d'exécution », Rép. dr. int., 2013, n° 34.

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