Systèmes Cours - Droit du marché intérieur européen - 5e - 165

La mise en œuvre de la liberté de circulation

personnes, a souffert de l'absence, dans le traité de Rome, de disposition
spécifique comparable à l'article 93 du traité CE (devenu art. 113 TFUE)
pour la fiscalité indirecte. Certes, l'article 115 du traité TFUE (ex-art. 94
TCE) permet le rapprochement des législations de manière générale, mais
seulement si celles-ci ont « une incidence directe sur l'établissement et le
fonctionnement du marché intérieur ». Or, l'existence de simples différences
entre les régimes fiscaux nationaux intéressant les personnes ne peut pas
toujours être considérée comme un facteur ayant une incidence directe sur
l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur. Elle n'interfère le
plus souvent qu'indirectement avec eux, contrairement à la fiscalité frappant
les marchandises et les services. Les seules distorsions véritables, et non
les simples différences de traitement fiscal d'un État à l'autre, se
manifestent sous la forme de doubles impositions. Mais là encore, un
problème juridique apparaissait puisque l'article 293 du traité CE (abrogé
par le traité de Lisbonne) semblait renvoyer leur élimination à la
compétence des États, par la voie de conventions.
Ces difficultés juridiques auraient pu aisément être surmontées, comme
cela a été le cas en d'autres domaines où les dispositions du traité, sans
s'opposer formellement à une action communautaire, ne la facilitaient pas,
si une volonté politique avait existé. Or, sous l'effet d'une part des
contraintes économiques et budgétaires rencontrées par les États, d'autre
part de l'influence des partisans d'une harmonisation limitée à
l'indispensable pour l'unification du marché intérieur - seule étant
considérée comme indispensable l'harmonisation des fiscalités indirectes -
cette volonté a fait défaut, cela d'autant plus que l'unanimité des États, on le
sait, est requise en ce domaine, l'application de l'article 95-1 du traité CE
(devenu art. 114-1 TFUE), permettant depuis l'Acte unique européen de
1986 le rapprochement des droits nationaux à la majorité qualifiée ayant
été expressément exclue en matière de fiscalité par l'article 95-2 du traité
CE (devenu art. 114-2 TFUE). Il en a résulté une action communautaire
concentrée sur les seuls aspects de la fiscalité des entreprises
susceptibles de constituer de réels obstacles à l'unification du marché
intérieur, par le cloisonnement fiscal de l'espace européen. En d'autres
termes, l'action de la Communauté, puis de l'Union, a porté dans un
premier temps sur la dimension transfrontalière de l'existence des
sociétés, afin que celles-ci ne soient pas dissuadées fiscalement de
profiter de l'espace européen unifié pour développer leurs implantations à
l'étranger. Ce n'est que plus récemment que l'action de l'Union s'est
orientée vers la lutte contre l'évasion fiscale.
Compte tenu du caractère limité de l'harmonisation réalisée, la Cour de
justice est amenée fréquemment à encadrer l'exercice de la compétence
des États et à sanctionner des entraves fiscales qui ne sont pas justifiées
et proportionnées, sur le fondement des libertés de circulation des
personnes, des services et des capitaux comme de la citoyenneté de l'Union.

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