verba volant L es écrits restent. Pour leur malheur. « Il y a quelque chose, écrit Marcel Proust, qui se détruit plus vite encore que la beauté, c'est le chagrin. » Mais il y a une tristesse qui survit à la beauté même. C'est celle qu'engendre le spectacle de la beauté qui se détruit. L'oubli vaudrait mieux que la vue des rides qui déshonorent le chefd'œuvre, et l'humiliation d'avoir pleuré à vingt ans sur un roman dont le premier coup d'œil nous révèle aujourd'hui la platitude. Bibliothèques, nécropoles plutôt. Combien d'ouvrages dont il ne demeure que les titres ! Et quand nous avons la curiosité de les tirer de leur rayon, sur la foi de leur renommée, c'est pour les y replacer aussitôt. Ils n'ont rien su nous dire. Ce sont des morts. Les classiques, nous les avons appris par cœur. Nos maîtres nous ont nourris de leur substance. Nous les rouvrons, c'est entendu - mais n'est-ce pas toujours aux mêmes pages ? 105