Droit et Économie - Régulation et jeux d'argent et de hasard - 193

RÉGULATION DES JEUX ET SANTÉ PUBLIQUE : LE MOBILE DE CALDER 193

gradients de l'addiction apparaissent alors relatifs. « Un peu trop, c'est juste
assez pour moi » disait Cocteau. Il appartient au système juridique comme
au pouvoir médical de tracer le cadre de la prise en charge mais non de
prendre la décision ultime d'y faire entrer le joueur. À cet égard, l'un des
problèmes majeurs réside dans la faible demande de soins des joueurs
pathologiques. D'après deux études épidémiologiques américaines, seulement 7 à 12 % des sujets diagnostiqués « joueurs pathologiques » ont cherché une aide auprès de professionnels ou d'une association des joueurs
anonymes. Il apparaît que la plupart des joueurs pathologiques interrogés
(82 %) déclarent pouvoir s'en sortir par eux-mêmes. Certains obstacles à
l'entrée dans les soins ont été identifiés comme « l'accessibilité des soins,
la stigmatisation liée à la prise en charge, le prix et l'efficacité supposée
des prises en charge »34. Bien plus, chez certains publics comme les adolescents, prendre l'initiative de demander de l'aide est encore plus difficile et
la démarche rare, témoignant en partie du caractère inadapté des soins traditionnels pour cette population vulnérable.
Pour pallier ces difficultés, on assiste au développement, au côté de la
e-prévention, des e-thérapies, ou thérapies « on-line », nouvelle modalité
de prise en charge, particulièrement attractive pour des patients accédant
difficilement aux soins. En effet, Internet garantit l'anonymat, ce qui est un
atout majeur pour des sujets timides, réticents à solliciter une aide ou honteux de leur travers addictif. La désincarnation du dispositif comme son
accessibilité et disponibilité permettent d'élargir la palette des modalités
de prise en charge. Ces thérapies en ligne, le plus souvent fondées sur des
approches cognitivo-comportementales, ont déjà été utilisées avec une
réelle efficacité pour traiter la dépression, le stress post-traumatique, ou
encore les troubles alimentaires. Les e-thérapies complètent ainsi les dispositifs d'aide à distance déjà éprouvés, qui ont montré leur efficacité pour
contrôler les manifestations du jeu pathologique, notamment les techniques d'intervention courtes, même réalisées par téléphone. Elles empruntent le médium de plateformes en ligne offrant des auto-exercices, ou
même la faculté d'obtenir éventuellement un accompagnement individualisé et le soutien de thérapeutes (par exemple un suivi de la progression du
patient par e-mail ou par téléphone). Est ainsi créé un premier contact avec
un professionnel de santé de nature à encourager les joueurs à entreprendre un traitement plus classique.
Ce relais est assuré par les centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie, structures de premier recours indispensables, qui
ont le droit désormais d'accueillir et d'accompagner des personnes
34. Inserm, Jeux de hasard et d'argent : Contextes et addictions, 2008, ch. 18, « Perspectives en termes
de prévention et politiques publiques », p. 283.

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