Droit et Économie - Régulation et jeux d'argent et de hasard - 37

LE CONCEPT DE RÉGULATION EN DROIT 37

normes, leur reconnaît un effet prescriptif tout en préservant leur singularité. Les outils normatifs que l'on rattache au droit souple sont des « instruments qui s'apparentent aux règles, en ce qu'ils ont pour objet de modifier
ou d'orienter les comportements de leurs destinataires, mais sans créer par
eux-mêmes de droits ou d'obligations »49. Ces actes présentent un certain
caractère normatif - norme du latin norma « équerre, règle » - en ce qu'ils
livrent une ligne de comportement. Mais leur originalité tient au fait que ce
caractère est plus ou moins établi sans jamais l'être au même titre que les
actes décisoires. Si les circulaires et lignes directrices - que l'on nommait
directives antérieurement - tendent manifestement à prescrire, les recommandations, prises de position, communiqués, communications... qui nous
intéressent en matière de régulation ont une vocation prescriptive moins
clairement revendiquée.
Les actes non décisoires n'affectant pas l'ordre juridique sont considérés
comme non susceptibles de faire l'objet d'un recours juridictionnel. Cette
solution parfaitement logique est quelque peu bouleversée par l'évolution
du regard que porte le juge administratif sur ce type de disposition. Longtemps centrée sur l'intention de celui qui produit l'acte, l'analyse du juge se
tourne progressivement vers la réception qui en est faite par son destinataire. Cette transformation du point de vue adopté, notamment par le
juge, pour évaluer un impact normatif est essentielle. On y reconnaît cette
approche réflexive dont l'action de régulation n'est pas la seule bénéficiaire
mais qui est l'un de ses marqueurs méthodologiques les plus remarquables.
Cette approche conduit le juge à admettre les recours dirigés contre certains de ces actes non décisoires au vu d'un effet normatif subjectivement
et empiriquement pressenti. Amorcée depuis quelques années, cette tendance est aujourd'hui confirmée à l'égard des avis, recommandations,
mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation.
Le nouveau critère de recevabilité du recours50, qui comporte deux branches, prend en compte pleinement la spécificité du droit souple tel qu'il a
été défini, et en particulier cette donnée subjective en vertu de laquelle ces
actes ont, de fait, un impact effectif sur les comportements et font par
conséquent grief, en dépit de l'absence d'une obligatoriété strictement
inhérente à la force du droit « dur ».
l'affaire Société NC Numericable, « communication » émise par la Commission de régulation de
l'énergie (CRE), « lorsqu'ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de
nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent ».
49. Concl. S. von Coester sur CE Ass., 21 mars 2016, nº 368082, Société Fairvesta International
GmbH e. a. : RFDA 2016, 497.
50. Cf. supra, note 49.

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