Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 134

Instruments de crédit et de paiement

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B. Le revirement de la chambre commerciale du 4 juillet 1995
La Cour de cassation adopta, dans un premier temps, une solution étonnante, mais
fermement réitérée, qui lui attira les foudres de la doctrine et des banques et à
laquelle les juges du fond opposèrent une certaine résistance. Dans un arrêt du
28 octobre 1986, elle juge, en effet, que les fonds versés au compte du cédant en
paiement de la créance, peuvent être revendiqués à l'encontre du banquier réceptionnaire, bien que la notification n'ait pas été faite à temps par le cessionnaire (Com.
28 oct. 1986, JCP G 1987. II. 20735, n. Stoufflet ; D. 1986. 593, n. Vasseur ; RTD com.
1987. 89, obs. Cabrillac et Teyssié ; RDBF 1987. 8, obs. Crédot et Gérard ; réaffirmée,
par ex. par Com. 12 oct. 1993, Bull. n° 328, RTD com. 1994. 81, obs. Cabrillac et
Teyssié ; Banque 1993. 92, obs. Guillot ; RDBF 1993. 247, obs. Crédot et Gérard).
La Cour se fondait sur l'article 4 de la loi de 1981 (auj. C. mon. fin., art. L. 313-27),
interprété de façon très extensive. En effet, ce texte prévoyant l'opposabilité de la
cession aux tiers à la date du bordereau est sans aucun doute destiné à régler les
conflits entre ceux qui prétendent être titulaires d'une même créance et non entre
titulaire et mandataire recevant le paiement. C'est pourtant à cette dernière situation
que la Cour l'a appliqué pour accorder au premier un droit de revendiquer les fonds
à l'encontre du second.
La doctrine s'est montrée dans sa majorité hostile à ce pseudo « droit de suite » créé
sur des fonds « éminemment fongibles » (M. Cabrillac et B. Teyssié, F.-J. Crédot
et Y. Gérard, obs. préc. ; contra, M. Vasseur, note citée, qui s'y montre favorable
au nom de la morale des affaires). Selon ces auteurs, elle fait place à l'insécurité
juridique « elle repose sur des bases juridiques fragiles », elle est inquiétante et inopportune... Elle méconnaît la volonté des parties, notamment de donner mandat au
cédant de recevoir le paiement, donc le droit à son banquier de recevoir les fonds
correspondant à ce paiement. Elle méconnaît aussi les règles du compte-courant et
son indivisibilité ainsi que la fongibilité des remises qui, entrant dans le compte, se
fondent en un solde disponible dans lequel aucune distinction ne peut plus être faite
entre les créances qui l'ont alimenté. Comment le banquier réceptionnaire pourrait-il
identifier les sommes qui sont destinées au cessionnaire lorsqu'il les reçoit ; une
recherche de sa part ne porterait-elle pas atteinte à son devoir de non-ingérence ?
(v. M. Cabrillac, « Les conflits entre les cessionnaires d'une même créance transmise
par bordereau », D. 1990, 127).
À la satisfaction de tous, la chambre commerciale a opéré un revirement le
4  juillet  1995 (Doc.  1 ; confirmé depuis notamment par Com. 19  déc.  2000,
n° 97-16763, Bull. n° 195, D. 2001.AJ.375, JCP G 2002.II.10013, n. Vergès et Com.
30 janv. 2001, n° 97-17784, Bull. n° 26 ; D. 2001, AJ.1238, obs. Delpech ; Com.
23 avr. 2003, n° 00-11065, Bull. n° 56 ; RTD com. 2003. 556, obs. Cabrillac). Le
banquier réceptionnaire des fonds n'est qu'un mandataire qui n'exerce aucun droit
propre (c'est pourquoi ce conflit est un « faux conflit » : v. T. Bonneau, op. cit., n° 756
et s.) : il a reçu les paiements « au nom et pour le compte (du cédant) qui en était le
destinataire » ; le banquier réceptionnaire n'est pas tenu à restitution et l'action en
revendication ne peut être dirigée que contre le cédant.
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