Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e - 42

Instruments de crédit et de paiement

42

II. Les arguments du tiré accepteur (ROUSSEAU)
Le tiré accepteur va fonder son refus de paiement sur la nullité du titre : la lettre de
change dont le recouvrement est poursuivi est nulle et cette nullité est opposable
au porteur.

A. La lettre de change est nulle
Voilà ce que peut prétendre ROUSSEAU, le tiré.
Certes, la lettre de change tirée par DIDEROT ne semble pas présenter d'irrégularité
formelle ; elle est donc, en principe, parfaitement valable. En effet, la lettre de change
(comme tout effet de commerce) tire sa validité de sa régularité formelle. L'absence
de provision ou les vices du consentement, en particulier, ne justifient aucune atténuation au principe (v. par ex., Civ. 10 juill. 1939, S. 1940. 1. 16 ; JCP 1939. II. 1617,
n. Demontès ; la jurisprudence est constante). La règle retenue par la Convention
de Genève répond ainsi aux impératifs de rapidité, sécurité et simplicité des paiements commerciaux. Cependant, outre l'incapacité d'un signataire qui entraîne la
nullité de son seul engagement, une cause de nullité des effets de commerce est
admise par la jurisprudence ; elle repose sur la violation de l'ordre public (C. civ.,
art. 6). Lorsque la lettre de change est atteinte d'un « vice de complaisance », elle
est nulle et, cette fois-ci, de nullité absolue (v. R. Bonhomme, op. cit., n° 140 et s.),
sous la réserve évidente que la complaisance soit valablement établie (v. Cass. com.
15 décembre 2015, n° 14-10675)
ROUSSEAU va donc opposer au porteur la nullité de l'effet atteint d'un vice de
complaisance dont nous allons nous-mêmes vérifier la présence.

1. Qu'est-ce qu'un effet de complaisance ?
C'est un moyen de se procurer du crédit en trompant un banquier susceptible d'escompter un effet de commerce. Le mécanisme le plus simple est le suivant : le
commerçant qui recherche un financement tire une lettre de change (il est tireur
« complu ») sur un complice (le tiré « complaisant ») qui l'accepte afin de donner au
futur escompteur l'illusion que la traite repose sur une relation commerciale source
de créance. Mais le tiré n'a aucunement l'intention de payer l'effet à l'échéance
puisqu'en réalité il n'est pas débiteur d'une provision, inexistante. La fraude (ou,
autrefois, la cause illicite : C. civ., anc. art. 1131. V., aujourd'hui, C. civ. art. 1162, aux
termes duquel le contrat ne peut déroger à l'ordre public, ni par ses stipulations, ni
par son but) résulte non de l'absence de provision (sans effet sur la validité du titre)
mais de la volonté des parties de frauder les droits du banquier. La nullité, d'ordre
public, sera fondée sur l'article 6 du Code civil (en une jurisprudence, v. par ex.,
Civ. 17 mars 1942, JCP 1942. II. 1905, n. Lescot ; Com. 21 juin 1977, D. 1978. 113,
n. Lucas de Leyssac ; D. 1977. IR. 399, obs. Vasseur ; RTD com. 1977. 744, obs.
Cabrillac et Rives-Lange).

2. Comment déceler le vice de complaisance ?
La complaisance peut être prouvée par tous moyens et les circonstances qui entourent
l'émission de l'effet permettent souvent de déceler le vice ou de le présumer.
Table des matières de la publication Exercices pratiques - Instruments de crédit et de paiement - 10e
