Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 102

LA SOCIETE D'AUSTERITE

durable qui ne renvoie pas seulement à la « pauvreté digne », celle liée aux revenus, à la nourriture, etc. 55. Sans la réalisation de ces conditions, il semble impossible d'éviter les contournements de la liberté qui dissimulent les réquisits nécessaires à sa concrétisation.
La notion de « liberté réelle », résultante de l'interdépendance entre liberté et
sécurité, peut être définie comme la capacité de réaliser des choix significatifs et
souhaitables fondés sur la sécurité 56. Indépendamment de ces débats théoriques,
l'OIT avait liée, dès les années 2000, les processus de libéralisation économique
aux contextes d'insécurité en soutenant l'idée que la stabilité des institutions était
garante de la protection, de la redistribution et de la promotion de la justice sociale ; essentielles pour la réalisation de la liberté réelle.

9. La modernité liquide, mutations du droit
La modernité a toujours modifié l'état des choses, elle est synonyme de changement. Néanmoins, à partir de la seconde moitié du xxe siècle, on commence à
appréhender cette réalité d'une autre manière. En jouant avec les mots, Zygmunt
Bauman affirme que jusque là il existait une « modernité solide » fondée sur la
croyance d'un monde rationnel, rationnellement parfait ou parfaitement rationnellement 57. Mais, actuellement, les sociétés tendent à passer de cette « modernité solide » à une « modernité liquide » dans laquelle les structures, les institutions et les modes de comportement ne sont plus soutenus par une architecture
ferme 58. L'ancienne croyance selon laquelle on peut atteindre un « état de perfection » n'existe plus ; nous sommes confrontés pour la première fois à un
rythme violent de changement permanent, condition de notre survie. Ceci exige
que les comportements et les interactions s'adaptent à ces mutations 59.
La notion de « modernité liquide » présente plusieurs caractéristiques ; parmi
elles, le fait que l'État-nation perd de son pouvoir en raison de la constitution
d'un espace politique mondiale incontrôlable. Le contrôle politique de l'État
ayant été ébranlé, d'innombrables instances de pouvoir et de décisions surgissent,
comme celles de la gouvernance internationale, des multinationales, des forces
du marché, etc. Ces nouveaux acteurs internationaux jouent un rôle qui éloigne
progressivement l'État de ses fonctions traditionnelles de protection sociale, causant ainsi un déficit de sa responsabilité comme de celle des citoyens.
À travers une logique de « contractualisation individualiste », les individus
reçoivent des subventions et des allocations de l'État, contribuant ainsi au développement d'un individualisme institutionnalisé, selon l'expression de Zygmunt

55. Voir Rapport de l'OIT, ILO, Economic Security for a better world. Programme on Socioeconomic
Security, op. cit., p. 5.
56. Ibid, p. 6.
57. Cf. Zygmunt BAUMAN, Liquid Modernity, op. cit.
58. ID., City of Fears, City of Hopes, op. cit.
59. ID, Liquid Modernity, op. cit.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017

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