Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 107

LE DROIT DU TRAVAIL D'EXCEPTION

cadre, la justice se manifeste également par des processus d'horizontalisation sociale.
Pour cet auteur, la justice institutionnelle, lorsqu'elle est placée face aux diverses institutions, se fonde sur la différenciation et sa capacité responsive. Dans
ces sociétés modernes, fonctionnellement différenciées, basées sur des structures
liquides, il n'est plus possible de construire une théorie de la justice apte à faire
face aux défis et aux attentes de différents sous-systèmes sociaux. Pour cette raison, Jiri Priban entre en dialogue avec les thèses de Nonet e Selznick, présentées
auparavant. Il estime qu'une théorie de la justice doit refléter les sphères différenciées de la société, et pouvoir répondre aux demandes spécifiques vis-à-vis de
la justice et de ses divers modes d'interprétation de la législation 80.
Cela concoure à la convocation de la notion de droit responsif telle qu'elle a
été formulée par Nonet e Selznick dans les années 1970. Celle-ci fait du droit un
moyen facilitateur des réponses qui doivent être adressées à la société. Le droit
responsif situe le système juridique légal au-delà d'un simple marqueur normatif,
en le transformant en instrument dynamique tourné vers les besoins et les expectatives politiques de la société civile 81. C'est justement à partir du concept de
droit responsif que Jiri Priban s'oriente vers une théorie réflexive de la justice
dans le contexte de la société liquide. Ce concept de justice, socialement réflexive
et fragmentée, émerge du conflit entre la légalité formelle et son environnement
social informel, conditionné par la politique, la morale, l'économie et l'éducation. On espère du système juridique légal : qu'il puisse équilibrer à la fois les
aspects politiques, les critères d'efficience et l'affir-mation de valeurs morales ;
qu'il puisse être socialement responsif, tout en intégrant les attentes politiques,
économiques et morales ; qu'il puisse opérer dans le sens de la convenance politique, de l'utilité économique, de la conformité morale et de l'union de la société.
Toutefois, le résultat tend plus à une augmentation de la contingence et de l'indétermination du droit. Selon les mots de Günther Teubner, cela représente le
plus pénible des sacrifices que le droit formel est obligé de faire pour permettre
la responsivité 82.
Jiri Priban met en garde contre les risques inhérents à une théorie de la justice
réflexive en affirmant qu'elle doit, pour répondre aux aspirations sociales, dépasser la différenciation entre la légalité formelle et la justice informelle 83. Pour
lui, le concept de justice permet au système juridique d'élaborer un entendement
interne des conflits sociaux formalisant ses propres modalités de résolution à travers des opérations construites et autoréférentielles. Une théorie de la justice sociale doit ainsi se centrer sur ses propres limites, celles de ses formes internes
d'autorégulation, celles de ses propres autoréférences conceptuelles et celles de
son intervention dans l'environnement social 84.
80. Jiri PRIBAN, « The concept of reflexive justice in liquid Society », op. cit. p. 29.
81. Ibid., p. 30.
82. Cf. Günther TEUBNER dans Jiri PRIBAN, « The concept of reflexive justice in liquid Society »
op. cit., p. 31.
83. Ibid., eod. loc.
84. Ibid., p. 32.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017107

Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018

Table des matières de la publication Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018