Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 20

LA SOCIETE D'AUSTERITE

droits acquis dans les domaines économiques et social, suite aux avancées de la
période suivant la dictature de Salazar. À l'origine de cette réflexion se trouvent
trois interpellations issues de l'observation de la société d'austérité portugaise :
la première se réfère à un sentiment de « malaise citoyen » dont les individus
sont atteints lorsqu'ils sont confrontés à des situations-limites, particulièrement
ceux qui appartiennent à des catégories sociales plus menacées. Un sentiment de
fatalisme s'installe qui frappe les perspectives d'avenir.
La deuxième interrogation se situe sur le plan de l'éthique en raison de
l'accroissement des inégalités et de l'augmentation des déséquilibres sociaux.
Surgit alors un débat sur les possibilités de formes d'actions alternatives,
susceptibles de contrarier la logique du business as usual. La troisième se réfère
au sentiment d'impuissance qui apparaît lorsque l'on voit qu'un pouvoir
démesuré est légitimé par l'exception. Ce pouvoir est obligé de soutenir le
marché, car les institutions et les intérêts financiers ne peuvent pas faillir,
contrairement aux intérêts individuels, considérés comme négligeables 10.
Dans l'estimation des acteurs gouvernementaux, des organisations
internationales et de la Troïka, l'austérité a été considérée comme inéluctable.
Or, nous soutenons ici une idée opposée : celle de l'inexistence, en matière
économique, des preuves irréfutables aptes à démontrer que la flexibilité et
l'application des mesures néolibérales créent des emplois. Un argument
néolibéral fallacieux soutient que le licenciement à moindre coût, le nonpaiement des heures supplémentaires et l'augmentation du temps du travail sans
compensation salariale constituent des dispositifs aptes à produire des effets
positifs vis-à-vis du chômage 11. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. En réalité, les
réformes néolibérales se caractérisent par la fusion d'objectifs économiques et
de moyens politiques, dont le but est de faciliter le transfert massif des revenus
du travail vers le capital. Ces mécanismes de transfert ont été étudiés de façon
approfondie par L'Observatoire des crises et des alternatives du Portugal. Il a
montré que, dans ce pays, l'impact économique des altérations législatives
relatives au code du travail a pénalisé le revenu des travailleurs 12, en affaiblissant
encore plus leur force politique déjà fragile. À cette situation s'est ajoutée
l'implémentation des mécanismes plus flexibles de compensation des heures
supplémentaires 13. Ceci a provoqué la démobilisation des salariés dans la
négociation collective, permettant la mise en place des journées de travail
adaptées aux besoins du marché. En effet, l'assouplissement des procédures de
licenciement a changé les rapports de force au sein de la négociation collective,
en raison, notamment, de la production d'une normativité qui a permis
l'élaboration d'un droit du travail d'exception. Serait-il utopique d'envisager,
10. Cf. ILO, World of Work Report 2011: Making work for Jobs, International Institute for Labour
Studies, Geneva, 2011, p. 2-3.
11. Voir João RODRIGUES dans .
12. Voir José REIS, A Economia Política do Retrocesso: crise, causas e objetivos, Almedina/CES,
Coimbra, 2014.
13. Appelé « banco de horas » en portugais (note de la traductrice).

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017

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