Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 32

LA SOCIETE D'AUSTERITE

Une date restera dans la mémoire des Portugais, celle du 6 avril 2011. Ce
jour-là, un seuil a été franchi, car le gouvernement portugais en alliance avec les
deux partis politiques d'opposition (le PSD - Parti social-démocrate, et le CDS -
Parti du centre démocratique social) demanda une aide économique extérieure et
amorça les négociations avec la Troïka 24. Le Protocole d'entente du 3 mai 2011
qui en résulte a été possible grâce à un ample accord établi entre les diverses
forces politiques portugaises, dont le consensus a perduré même après la chute
de ce gouvernement aux élections de juin 2011. Ces élections ont proclamé
victorieuse l'alliance politique de la droite (composée par le PSD - et le CDS) qui
forme le XIXe Gouvernement de 2011 à 2015, et le XXe Gouvernement investi en
2015.
Une fois au pouvoir ce gouvernement de droite a défendu les mesures
d'austérité de façon intransigeante, en conformité avec ses orientations
idéologiques et sa volonté de conduire une action politique réformatrice. Dans
les débats politiques de l'époque, les membres du gouvernement et le Premier
ministre Pedro Passos Coelho, appuyèrent des mesures d'austérité plus sévères
que celles proposées par la Troïka elle-même. Cela permit la concrétisation des
réformes législatives par l'intermédiaire des politiques publiques d'austérité. Les
effets indésirables de ces politiques ont été vite perçus, en raison, notamment,
des contraintes imposées aux systèmes de santé, d'éducation, de la sécurité
sociale, de la retraite, des prestations d'aide sociales et des droits concernant le
travail. Par ailleurs, l'ajustement sans réserve des politiques publiques aux
directives du mémorandum d'entente a permis le renforcement réciproque des
relations existantes entre le gouvernement portugais et la Troïka, ce qui a
légitimé les mesures d'austérité.
De cette façon, l'austérité devient un mot d'ordre au Portugal. Mais d'autres
pays européens également ont subi des réformes similaires tendant à tenter de
stabiliser les marchés financiers à travers les coupes budgétaires. Ces réformes
d'austérité impliquent toujours la même chose : la flexibilisation des droits
sociaux et du travail, l'accroissement de la compétitivité selon l'idée qu'elle
favoriserait la création d'emplois. Il s'agit là d'un « mimétisme économique »,
typique de l'agenda néolibéral pour lequel le droit du travail et les droits sociaux
constituent des barrières aux solutions à la crise. Comme déjà mentionné, les
pays concernés par ces réformes économiques, tels que la Grèce, l'Irlande,
l'Italie et même actuellement la France, mettent en place des procédures tendant
à réduire le coût du travail à travers la diminution des indemnités de licenciement,
la flexibilité horaire du travail, et les restrictions liées aux négociations
collectives. Il reste à savoir si, dans un avenir proche, ces expériences concrètes
nous permettront d'élaborer des projets politiques anti-crise moins contraignants.
Pour l'instant, on entend dire : « c'était comme cela avant, c'est comme cela

24. Partido Social Democrata (PSD) et Partido do Centro Democrático Social (CDS), note de la traductrice.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 2017

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