Droit et Société - La société d'austérité - 2017-2018 - 83

MUTATIONS DU POUVOIR

procès pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. On rencontre, dans la jurisprudence portugaise, à maintes reprises cette situation 80, où les règles du droit
sont substituées par la volonté de l'employeur, ce qui caractérise l'usage d'un
pouvoir asymétrique. La violence symbolique présente a des conséquences concrètes sur le sentiment d'injustice qui s'empare des gens qui ressentent fortement
la violation des principes concernant leur dignité au travail. Ce sentiment d'être
un simple « équivalent fonctionnel » augmente avec les exigences posées par les
entreprises par rapport aux objectifs de productivité. Dans ces cas, les thèses
d'Axel Honneth sur le mépris social prennent tout leur sens.
Le deuxième exemple concerne la conception même de la coercition telle
qu'elle a été conçue par l'OIT pour permettre l'élargissement du débat sur le travail forcé. Dans ce sens, la Convention n° 29 de 1930 a insisté sur l'idée du caractère menaçant et involontaire du travail forcé. D'autres formes, plus subtiles,
de menaces existent toutefois en ce domaine, notamment celles de nature psychologique lorsqu'il y a « offerte volontaire » des travailleurs dans des situations
caractérisant le travail forcé. En parlant « d'abus de vulnérabilité », l'OIT analyse
les circonstances dans lesquelles l'obligation d'effectuer des heures supplémentaires sous menace est incompatible avec la Convention. Cela veut dire que
l'existence d'un cadre légal ne suffit pas à empêcher la coercition dans les relations du travail. L'Organisation internationale du travail a admis que les travailleurs, théoriquement susceptibles de refuser des heures supplémentaires, ne peuvent pas le faire, car ils se trouvent vulnérables par rapport au maintien dans
l'emploi 81. Actuellement, au Portugal, ces tensions sont accrues en raison de la
politique de « banco de horas », mentionnée plus haut, qui donne une place importante à la négociation individuelle.
Le troisième exemple est celui de la transformation de la fonction symbolique
du droit du travail, ce qui renvoie à la Convention n° 122 de l'OIT sur la politique
de l'emploi et à la Recommandation n° 198 concernant les relations au travail.
Dans ces textes, l'OIT a établi que chaque État membre doit développer une politique active pour la promotion d'un l'emploi productif et librement choisi par
les citoyens, ce qui témoigne de sa préoccupation par rapport au travail forcé.
Cette Recommandation détermine les relations du travail qui affaiblissent les
droits de protection, mais en dépit de cela l'évolution incertaine du monde du
travail, avec l'augmentation du chômage et les constantes révisions de la législation dans un sens défavorable aux travailleurs, modifie sans cesse le cadre juridique qui, sous l'appui du droit du travail d'exception, devient une puissante
source de peur sociale. On se demande alors : qui protège les travailleurs du droit
du travail ?

80. Voir, par ex., le procès n° 825/09.1TTMTS-A.P1 de la 4ème Chambre du Tribunal de Porto, où le
cas d'une employée licenciée de forme coercitive témoigne du caractère dramatique de ce type
de situation.
81. Cf. OIT, The cost of coercion, International Labour Office, Geneva, 2009.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 58, 201783

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