Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 244

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LE DISCERNEMENT EN DROIT PÉNAL

les juges du fond36, dans l'affaire tranchée par la Chambre criminelle le 7 septembre 201037. La multiplication des références textuelles présente le risque de
rendre leur connaissance impossible. Le discernement ainsi édifié peut alors s'avérer fictif, tant et si bien que ce « rapiècement » n'est pas des plus salutaires pour
assurer la fonction intimidante de la peine.
b) La nécessité d'une preuve de la conviction coupable
634. Pour toutes les incriminations qui laissent l'individu libre de la manière
de se conformer au droit pénal, il faut rapporter la preuve d'une volonté de commettre l'infraction. La question de la preuve ne se pose véritablement qu'en
matière intentionnelle car, en matière d'imprudence, l'objectivation du statut personnel de référence caractérise du même coup la faute38.
635. L'abus de confiance fait partie des infractions qui exigent une preuve de
la volonté coupable, car la remise d'un bien à charge de le représenter n'impose
pas un comportement précis. Il n'est donc pas possible d'induire l'existence d'une
faute à partir du seul fait qui ne serait pas en accord avec le rapport de confiance
contractuelle établi. Ainsi, l'infraction peut naître n'importe quand, dès lors que
le détenteur précaire a reçu le bien. Il faudra alors qu'il commette un acte non
équivoque manifestant sa volonté de ne pas le représenter. Tel n'est pas le cas
lorsque l'agent abuse de l'usage du bien sans que son comportement ne signifie
qu'il ait eu l'intention de le conserver ou le détruire. Ainsi, le détenteur de wagonsréservoirs qui les utilise pour le transport de son fuel, alors qu'ils ne lui auraient
été confiés que pour le transport de celui du propriétaire effectué au préalable, ne
commet pas un abus de confiance. La Chambre criminelle juge que « l'usage abusif » de la chose n'équivaut pas au détournement39.
36. L'article 1720 du code civil, d'après lequel « le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de
réparations de toute espèce », et « il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent
devenir nécessaires, autres que les locatives » ; la norme NFC 15 100 définissant un ensemble de règles
techniques à respecter, même si celles-ci n'ont été rendues obligatoires le 22 octobre 1969 que pour les
logements neufs, si bien que, de l'aveu même des juges du fond, elle n'était pas applicable à l'espèce ; le
décret du 6 mars 1987 « fixant les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent
répondre les locaux mis en location », il contient quatre articles, l'article 1, e) mentionnant que les installations de gaz et d'électricité « doivent assurer la sécurité des utilisateurs » ; la loi dite SRU, du 13 décembre
2000 faisant obligation aux bailleurs de remettre à leurs locataires des logements décents, et le décret du
30 juin 2002 précisant que l'installation électrique doit être conforme aux normes de sécurité définies par
la loi et les règlements et être en bon état d'usage et de fonctionnement.
37. Crim., 7 septembre 2010, inédit, n° de pourvoi : 09-86137.
38. Outre les exemples cités supra qui concernent l'examen cumulé des deux conditions posées à
l'article 121-3 du Code pénal, des arrêts s'attachent exclusivement à déterminer la preuve d'une négligence consciente. Voir Crim., 11 janvier 2011, Bull. n° 5, à propos du loueur d'engin qui a remarqué
que le bras d'un appareil à transporter sur route était mal fixé, si bien qu'en se détachant ce bras a
percuté une voiture venant en sens inverse ; Crim., 16 septembre 2008, Bull. n° 186, au sujet du salarié
qui n'avait pas interdit à son collègue finalement décédé de le rejoindre sur une dalle improvisée en
plateforme alors qu'il ne portait pas de harnais de sécurité ; Crim., 13 février 2007, Bull. n° 43, p. 257,
à propos du au médecin généraliste qui commet néanmoins une faute caractérisée en ne prenant pas
les dispositions nécessaires pour être joint en période de grève des praticiens libéraux ; Crim., 21 septembre 2004, n° 216, p. 766, à propos d'un chirurgien orthopédiste n'accomplissant pas les diligences
normales qui lui incombent compte tenu de sa mission et de sa fonction en opérant une patiente sans
aucun contrôle préalable, ni l'assistance d'un chirurgien thoracyque, un jour férié et sans qu'il existe
d'urgence, ses multiples erreurs chirugicales conduisant au décès de la patient qui ne souffrait que
d'une hernie discale ; également Crim., 13 novembre 2002, Bull. n° 203, p. 751 ; Crim., 29 octobre
2002, Bull. n° 196, p. 728.
39. Par exemple, Crim., 22 janvier 2003, D. 2004, som. comm., p. 308.

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