Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 257

LE RÔLE DU DISCERNEMENT DANS LA QUALIFICATION DE L'INFRACTION

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toutes butent sur l'identification de ce « quelque chose » ? Serait-ce la peine, la criminalité ou la qualification de l'infraction de l'auteur principal ? Chacune de ces
explications a ses limites. Le critère de l'emprunt de la peine ou emprunt de pénalité,
issu d'une interprétation littérale de l'article 59 du Code pénal de 1810, n'a jamais
trouvé application en jurisprudence et résultait d'une interprétation forcée de cet
article 59. Les deux autres systèmes proposés ont tenté d'améliorer ce premier système théorique mais ils ne répondent respectivement pas aux deux questions suivantes : qu'est-ce que la criminalité que le complice emprunterait ? Comment qualifier l'infraction ensuite imputée au complice ? Ces limites peuvent être dépassées
grâce au discernement personnel, critère qui explique la qualification du fait physique en fait matériel - le fait qualifié, en l'occurrence le « fait principal punissable ».
Il faut d'abord le rejet de la critériologie de l'emprunt (1), ce qui permettra de mieux
comprendre ensuite la pertinence du critère du discernement personnel (2).
1. Le rejet de la critériologie de l'emprunt
685. L'emprunt de pénalité a d'abord justifié l'identité de la peine encourue
par l'auteur et son complice. Elle a ensuite été délaissée au profit de l'emprunt de
criminalité, proposition elle-même précisée par le critère de l'emprunt de qualification. Il apparaît donc que la critériologie de l'emprunt, née dans le contexte
d'une fixité des peines, a subi des modifications sans être rejeté. Pourtant, cette
critériologie masque l'existence d'une qualification de l'acte à partir des qualités
personnelles de leur auteur. L'exposé de la critériologie de l'emprunt (a) précèdera celui de son rejet (b).
a) L'exposé de la critériologie de l'emprunt
686. L'ensemble des théories explicatives de la complicité postulent que le complice emprunte à l'auteur principal un fait dont la nature demeure indéterminée. Le
système de « l'emprunt de pénalité » a d'abord été proposé. Il se fondait sur la lettre
de l'article 59 du Code pénal de 1810, d'après lequel « les complices d'un crime ou
d'un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce
délit, sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement ». Cette interprétation littérale de l'article 59 du Code pénal de 1810 était plus pertinente que la théorie du
mandat, défendue notamment par Ortolan qui s'inspira sûrement du droit romain81.
La théorie de l'emprunt de pénalité avait cet avantage sur la théorie du mandat
qu'elle préservait l'existence de la responsabilité pénale de l'auteur principal. L'entrée en vigueur du Code pénal de 1992 aurait mis fin au système dit de « l'emprunt
de pénalité » pour lui substituer celui de « l'emprunt de criminalité ».
687. Pourtant ni le Code pénal ni la jurisprudence n'ont pour l'un adopté, et
pour l'autre fait application de l'emprunt de pénalité. Le Code pénal prévoyait la
81. Cf. J.-L.-E. ORTOLAN, Eléments de droit pénal, Plon, 3e éd., 1863, p. 571, n° 1265. Néanmoins
en théorie le mandataire est celui qui agit en représentation d'une tierce personne comme s'il s'agissait
de la personne représentée elle-même. Or en droit romain comme en droit moderne, complice et auteur
principal sont liés et non pas substitués l'un à l'autre. Pour preuve, d'après les romanistes, la qualification de l'acte commis par l'auteur diffère de celle de son acolyte. Le terme consilio, utilisé pour qualifier la conscience infractionnelle exigée du voleur, ne s'appliquait pas à son complice. Notamment,
dans l'action de furti que rapporte GAIUS dans ses Institutes, IV, 87 : « si paret ope consilio[ve] Dionis
Hemanei filii furtum esse paterae aureae... », ou dans l'édit relatif à l'action furti adversus nautas
(ULPIEN, lib. 38 ad Edic., D. XLVII, 5, 1, pr.), les mots ope consilio désignent le fait de l'auteur principal. Voir également E. GARCON, Code pénal annoté, op. cit., art. 408, n° 446, pour qui la représentation n'existe pas en droit romain.
http://www.81.Cf
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