Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 273

LE RÔLE DU DISCERNEMENT DANS LA QUALIFICATION DE L'INFRACTION

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pénale du complice n'est pas engagée si l'auteur outrepasse le périmètre de cet
accord. Il faut prouver qu'il a voulu (« sciemment ») commettre l'infraction en
cause. L'identité d'intention de l'auteur et du complice n'est pas présumée, comme
elle l'est en revanche en matière de complicité par instigation.
b) L'identité d'intention présumée dans l'hypothèse de la complicité
par instigation
733. À la différence de la complicité par aide et assistance, la complicité par
instigation (art. 121-7 al. 2 du Code pénal, qui vise la provocation à l'infraction ou
les instructions données pour la commettre) suppose que le complice connaisse la
nature de l'infraction à commettre. L'identité d'intention y est donc présumée. À cet
égard, le Code pénal n'indique pas que le complice par instigation provoque à « la
commission de l'infraction » mais qu'il « provoque à l'infraction ». Il ne s'agit pas
de provoquer l'auteur à l'acte mais de susciter chez lui une pensée infractionnelle
précise160. Lorsqu'il provoque à l'infraction, le complice ne peut rien faire d'autre
que de susciter l'envie d'adhérer à un dessein répréhensible chez son acolyte161.
734. Par voie de conséquence, à défaut de preuve d'une dualité d'intentions
chez l'auteur et le complice, par une analyse concrète de leur volonté respective, il
faut retenir la même qualification pénale. La preuve d'une différence dans l'intention peut résulter d'un accord sur l'homicide d'un individu identifié. La décision
rendue le 10 mars 1971 l'illustre de façon notable. Un contrat d'assassinat liait
l'auteur matériel à l'homicide d'une personne dénommée. La Chambre criminelle
aurait pu faire application de la règle de l'aberratio ictus. Elle juge pourtant que
l'auteur principal avait tué une autre personne, de son propre chef, après s'être
décidé à ne pas honorer l'accord de complicité, si bien que le prétendu instigateur
ne devait pas répondre de cet homicide162. Cette jurisprudence devrait survivre
dans la mesure où l'incrimination du mandat criminel à l'article 221-5-1 du Code
pénal vise uniquement les hypothèses où le crime ne serait ni tenté ni commis.
735. Cependant, si aucun fait n'est commis par l'auteur principal, la présomption d'identité d'intention présente la particularité de jouer en faveur de
l'instigateur lorsqu'il a tout mis en œuvre mais que l'auteur n'agit pas. En effet
dans ce cas, l'absence de fait principal punissable laisse entendre qu'il n'est pas
certain que « l'instigateur » ait entendu « provoquer à l'infraction ». S'il n'a pas su
convaincre l'auteur principal de passer à l'acte, sans doute est-ce parce qu'il n'était
160. Comp. F. DEFFERRARD, « La provocation », RSC 2002, chr., p. 233 et s. L'auteur ajoute
à la définition prétorienne de la provocation une dimension sociologique, il expose que « l'agissement
du provocateur (...) doit avoir « eu pour finalité de susciter un état d'esprit de nature à » (Crim.,
29 oct. 1936, Bull. crim. n° 104) tenter ou à commettre une action à l'encontre d'un intérêt protégé ». Il
établit un rapport de causalité du fait de provocation avec la violation de l'intérêt protégé.
161. Il est alors qualifié « d'auteur moral » chez certains auteurs. Cf. A. LARGUIER, « La
notion d'auteur moral », RSC 1976, p. 409 ; J. POUYANNE, L'auteur moral de l'infraction, op. cit.
162. Crim., 10 mars 1977, Bull. crim. n° 91, p. 271 : « Aucun fait de complicité punissable ne
saurait être retenu à la charge de celui qui donne mission à un homme de main, de tuer une personne
nommément désignée, dès lors que, de sa propre volonté et sans être soumis à aucune pression extérieure, l'individu qui devait accomplir ce crime s'abstient de le commettre et donne volontairement la
mort à une autre victime » ; D. 1977, IR, p. 237, note M. PUECH ; RSC 1979, p. 75, obs.
J. LARGUIER. Voir également P.-A. BON, op. cit., p. 87, qui envisage une hypothèse similaire, celle
d'une personne qui donnerait une arme pour une extorsion de fonds servant par la suite à un meurtre.
Il tente de résoudre cette hypothèse par l'idée du rôle causal du complice et considère que l'auteur est
la cause exclusive de l'infraction homicide.
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