Bibliothèque de sciences criminelles - Tome 65 - Le discernement en droit pénal - 446

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LE DISCERNEMENT EN DROIT PÉNAL

1. L'objet de l'expertise psychiatrique
1335. Du latin experiri signifiant « éprouvé », et de expertus, « qui a fait ses
preuves », l'expert est commis pour vérifier et décider des choses dont il a acquis
par l'expérience une certaine connaissance272. Du temps du Code d'instruction
criminelle, le recours à l'expert psychiatre se fondait sur les articles 43 et 44 qui
visaient respectivement la possibilité pour le Procureur de la République de se
faire accompagner par un homme de l'art sur le lieu du crime, comme dans l'hypothèse de la découverte d'un cadavre où il était assisté d'un ou deux officiers de
santé. La reconnaissance légale du statut de l'expert dans le Code de procédure
pénale (ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958) n'accorde aucune place
particulière au médecin de l'esprit et prévoit la désignation par le seul juge d'instruction d'un expert unique.
1336. L'expertise psychiatrique, en droit positif comme dans l'Ancien Régime
bien qu'elle y apparaisse sous un nom différent, occupe une fonction accessoire
dans le jugement du malade mental. Elle porte sur les causes de « l'aliénation
morale », entendue comme une négation de l'existence de la Loi divine, dont le
droit positif n'était que le reflet. Dans le système de droit naturel de l'Ancien
Régime comme dans le système pénal moderne, le juge doit vérifier que le mis en
cause connaissait l'existence de la loi (divine en droit antique, du peuple souverain en droit moderne). La double présence des médecins dans les juridictions
séculières et religieuses peut expliquer l'ampleur des changements qui s'observent
entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Ils participent à l'identification des criminels sous
l'Ancien Régime, tant au service du droit canon que du droit séculier, en raison de
leur connaissance des rouages du corps humain.
1337. Dans l'ordre séculier, ils se prononcent par exemple sur les causes de la
mort par l'analyse des plaies du défunt, au temps où le suicide constituait un
crime pour le droit canon. Accessoirement au témoignage des proches du défunt
qui devait se faire par turbe de dix personnes au moins273, ils devaient indiquer si
ce crime avait été commis en conscience et sur lui-même par le défunt274. Le rôle
272. Le nouveau Littré, éd. Garnier, v° Expert. Voir également C. AMBROISE-CASTEROT,
« Des contradictions dans le contradictoire en matière d'expertise pénale », Mélanges en l'honneur de
Jean-François Burgelin, Principes de justice, Dalloz, 2008, p. 26.
273. cf. J. IMBERT, op. cit., Chap. XLIII, « Des procès verbaux, des Enquêtes et tourbes de
témoins » : « la forme de les examiner est que les Commissaires présentent à dix témoins ou plus tous
ensemble les articles sur lesquels ils entendent les examiner par tourbe, et les lit, et leur fait faire serment
de porter bon et loyal témoignage de ce qu'ils croient, savent et ont vu observer et garder du contenu
desdits articles », p. 286.
274. J. PAPON, Recueil d'arrêts notables des cours souveraines de France. Ordonnés par titre en
viengt-quatre livres, Paris, Chez Nicolas Buon au mont Saint-Hilaire à l'enseigne Saint-Claude, 1607.
PAPON, reprenant à son compte une opinion de Dahmoudère, rappelle qu'il faut « créer un curateur
au corps pour le défendre (...) outre faire visiter en sa présence (le juge) le corps ou cadavre par
Chirurgiens et Barbiers, informer à la requête du Procureur du Roy ou d'office, de la vie et mœurs du
défunt, ou malade, et de la cause pour laquelle il s'est défait » Cf. J. de DAMHOUDERE, Pratique
judiciaire des causes criminelles, Bruxelles, Anvers, chez Iehan Bellere, 1564, p. 1277. Le rôle des médecins est d'une importance telle qu'il justifie l'intervention du Roi François Ier par l'ordonnance de
Blois en août 1536, ordonnance dont l'article VI leur recommande d'être plus consciencieux dans
l'exercice de leur profession. Elle interdit de recevoir des chirurgiens dans les villes sans qu'il aient été
approuvés par les docteurs régens en médecine. Cf. J. B. DENISART, Collection de décisions nouvelles
et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, Désaint, 5e éd., 1766, t. 1, v° Chirurgiens, p. 83.
Egalement J. IMBERT, op. cit., p. 582-584 : « aujourd'hui il se commet un grand abus au rapport de
plusieurs Médecins et Chirurgiens, qui ne sont point conscience de faire faux rapports pour favoriser le

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