Hors collection - Finances publiques citoyennes - 107

LE FINANCIER CITOYEN (1757)

de ce corps, décourager le paysan31, ruiner le commerce, faire manquer le
numéraire32 ou affaiblir la monnaie.
Première remarque, et bien que Naveau pour sa part évite d'employer le
terme, il est frappant de voir les ouvrages financiers contemporains recourir
au terme de « nation » pour désigner cette société, laquelle est visée dans sa
dimension économique et non pas politique.
Seconde remarque, cette approche invitait évidemment à une réflexion
renouvelée sur le fondement de la richesse des nations, et ce milieu du
xviiie siècle est aussi, comme nous l'avons déjà noté, le moment d'un
envol d'une pensée réellement économique. L'exemple est commode mais
quesnay, dans l'article « Grains » de l'Encyclopédie (1757) prend le temps en
note de bas de page de réfuter la faveur du Financier citoyen pour les aides
au triple moyen de ne pas pénaliser l'agriculture (ici, de la vigne), d'écarter
le préjugé en faveur de l'industrie, et de l'intérêt économique des impôts
directs (trois conséquences de la théorie physiocratique). La question nous
mènerait loin et nous nous contenterons de l'évoquer, mais il y a dans le
Financier citoyen quelques principes économiques sous-jacents qui font de
la liberté laissée aux sujets la condition de la prospérité publique33, sans
pour autant exclure les retombées heureuses des investissements publics.
Dernière remarque, les finances du roi perdent par là ce qu'elles pourraient avoir de privées, parce que de leur sage administration (qui se
différencie elle aussi de la gestion du bon père de famille34) dépend la prospérité publique, et non la seule gêne du roi dans ses affaires. Ainsi que l'écrit
Naveau, qui en fait l'un de ses principes directeurs, « 4° Que les impôts, de
leur nature, doivent être subordonnés à la population, à l'agriculture, au
commerce & à la navigation, comme l'effet l'est à la cause. »35

31. Cf. les thèmes de la taille pesant sur le laboureur industrieux ou du vingtième taxant
un revenu brut.
32. C'est l'une des préoccupations de Naveau, notamment parce que son plan implique la
constitution d'un trésor royal de 300 millions. Il entend démontrer que son plan d'épargne
n'assèchera pas le numéraire disponible, qu'il évalue à 1 500 millions, dont 600 utilisés pour
le commerce et 900 qui sont thésaurisés.
33. « Le raisonnement suffit pour convaincre de la nécessité de favoriser le commerce &
l'agriculture. On ne peut y parvenir qu'en accordant aux sujets une grande liberté, & en
les mettant dans une aisance suffisante pour exciter leur émulation & leur industrie », Le
Financier citoyen, I, p. 421-422.
34. « La régie d'un petit état peut se comparer à l'administration d'un bon pere de famille
qui leve lui-même ses revenus avec ordre & économie ; mais un grand état, dont la régie
produiroit plus de cent quarante millions, n'est guères susceptible de la comparaison du
pere de famille : ce qui peut se faire en petit, n'est pas toujours pratiquable en grand. », Le
Financier citoyen, I, p. 388.
35. Le Financier citoyen, II, p. 10.

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