Hors collection - Finances publiques citoyennes - 70

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CoNtEXtUALISAtIoN Et PRoBLÉMAtISAtIoN GÉNÉRALES

demeuré « le boisseau3 » de la Déclaration, son « pouvoir fondateur parait
bien avoir été irrémédiablement compromis4 » dès lors qu'en dépit des
aspirations originelles des cahiers de doléances, qui s'orientaient davantage vers une responsabilité des ministres et des agents publics à raison de
« leurs prévarications et de leurs conduites », la formule finalement retenue
ne déclare ces agents que « comptables » de leur administration à l'égard
de la société5. Pourtant, l'article 15 marque profondément la relation entre
l'État et ses agents, dont il initie le régime de responsabilité personnelle, en
particulier celle le liant aux comptables publics6. Gravé au fleuron du bâtiment de la juridiction de la rue de Cambon, il scelle en outre durablement la
relation de ce premier à ses citoyens dont il fonde, aux côtés de l'article 14
de la Déclaration, « la confiance [...] dans le processus de décision fiscale7 ».
À ce second qui garantit une prise de décision fiscale démocratique matérialisée par le principe fondateur du consentement à l'impôt, répond alors
l'article 15 par la consécration du principe de l'utilisation démocratique du
produit de l'impôt. En dépit d'un destin « peu enviable8 » pour certains, il
garantit, ce faisant, aux citoyens qui supportent les prélèvements publics,
que l'utilisation de ceux-ci fait l'objet d'un contrôle, assurant leur emploi
conformément aux décisions prises par les instances légitimes représentant
leur volonté, tout en prévenant et sanctionnant leur utilisation à des fins
étrangères à l'intérêt général. En définitive, par le droit de « demander
compte » qu'il consacre, l'article 15 a pour finalité la démocratie, dont il
apparait tout entier comme une exigence9.
Le recours à la notion de « société » au cœur d'une déclaration consacrant
des droits au profit de « l'Homme » et du « citoyen » interpelle cependant le
juriste sur ce choix sémantique et la réalité qu'il recouvre. La « société » au
profit de laquelle l'article 15 consacre un droit s'identifie-t-elle au citoyen
financier qui seul semble pouvoir s'en saisir ?
administration de la justice, voir en ce sens la Décision n° 2010-77 qPC, 10 déc. 2010,
JORF, 11 déc. 2010, p. 21711, texte n° 82, Rec., p. 384.
3. L. riChert, « Article 15 », op. cit., p. 323.
4. M.-A. lAtournerie, « Responsabilité publique et Constitution », in G. teboul,
D. P ouyAud , J. z iller (dir.), Mélanges René Chapus. Droit administratif, Paris,
Montchrestien, 1992, p. 353.
5. M.-A. lAtournerie, « Responsabilité publique et Constitution », op. cit., p. 359.
6. R. ChAPus, « Les fondements de l'organisation de l'État définis par la déclaration de
1789 et leurs prolongements dans la jurisprudence du conseil constitutionnel et du Conseil
d'État », in La déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence, Colloque
des 25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel, Paris, PUF, 1989, p. 202.
7. M. bouvier, « Nouveau civisme fiscal et légitimité du recouvrement de l'impôt », RFFP,
n° 112, 2010, p. 25.
8. L. riChert, « Article 15 », op. cit., p. 323.
9. A. bArilAri, « La nouvelle gouvernance financière de l'État et l'évolution des dispositifs
de contrôle », RDT, 85e année, n° 6, juin 2005, p. 275.
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