Droit du paiement - Le paiement des dettes - 29

Cha p i t r e 1 - L a n o t i o n de pa i eme nt
47 Le créancier - L'article 1302-2 du Code civil, quant à lui, s'intéresse au paiement de
la dette d'autrui fait par erreur ou sous la contrainte.
Dans son alinéa premier, il autorise le payeur (le solvens) à agir en restitution contre le
créancier étant donné que ce dernier est destinataire d'un paiement réalisé par une
personne qui n'était pas le débiteur et qui a payé par erreur ou sous la contrainte.
Toutefois, ce même alinéa exclut l'action du solvens contre le créancier lorsque celui-ci
« par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient
sa créance »51
. Cette exclusion se justifie par la volonté de ne pas faire supporter au
créancier - satisfait par le paiement - les conséquences d'une erreur commise par le
payeur ou de la contrainte subie par lui. Effectivement, si la restitution était admise
dans ces circonstances, elle porterait préjudice au créancier dans la mesure où, soit
privé de son titre de créance, il ne pourrait plus se retourner contre le véritable débiteur,
soit ayant abandonné ses sûretés, il aurait affaibli son droit au recouvrement de sa
créance. En l'occurrence, le législateur a, une nouvelle fois, consacré la solution jurisprudentielle
qui assimile l'abandon des sûretés à la destruction du titre de créance52
.
48 Approfondissements
Se pose la question de la preuve de la destruction du titre ou de l'abandon des sûretés.
Comment en effet le créancier peut-il prouver que, postérieurement au paiement, il a détruit
son titre de créance ou a abandonné ses sûretés ?
La preuve de l'abandon des sûretés semble pouvoir être établie assez facilement par la
mainlevée de l'hypothèque ou du gage postérieure à la date du paiement.
En revanche, la destruction du titre de créance ne fait l'objet d'aucun acte juridique, il
s'agit d'un fait purement matériel, indétectable. La jurisprudence semble alors considérer
que le créancier doit être cru sur parole, à charge pour le solvens de démontrer qu'aucun
titre n'avait été rédigé ou qu'il avait été détruit avant le paiement53
. Or, ce raisonnement
fait supporter la charge de la preuve sur le solvens. La solution de facilité pourrait alors
être pour ce dernier d'agir contre le véritable débiteur.
49 Recours contre le débiteur - Pour sa part, l'alinéa 2 de l'article 1302-2 du Code civil
permet au solvens d'agir contre la personne dont il a acquitté la dette afin de lui
demander paiement de la somme versée au créancier. Cette action contre le véritable
débiteur est fondée sur l'idée selon laquelle le solvens doit pouvoir agir contre le tiers
qui a indirectement profité du paiement. Cependant, d'un point de vue strictement juridique,
on ne peut parler de restitution étant donné que le débiteur n'a pas été destinataire
du paiement indu54
. La jurisprudence avait d'ailleurs mis à jour cette imprécision
(51) V. infra.
(52) V. not. Cass. civ., 27 nov. 1912, DP 1913, jur., p. 96 - Cass. 1re
p. 322, obs. J.-L. Aubert - Cass. 1re
(53) V. not. Cass. 1re
Ph. Delebecque - Cass. com., 3 oct. 2000, nº 98-12764.
civ., 22 juin 1994, nº 92-18303 : la cour d'appel avait constaté que le créancier affirmait avoir
supprimé son titre consécutivement au paiement. Mais égal. Cass. com., 10 oct. 2000, nº 97-20720 : « Il ne
résulte pas des conclusions échangées entre les parties que la société Prodibois ait prétendu avoir supprimé son
titre de créance contre la société La Maison de Molière à la suite du paiement reçu, invoquant au contraire contre
cette dernière une facture de même montant que ce paiement. » V. en ce sens, G. Chantepie et M. Latina, Le
nouveau droit des obligations - Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du Code civil,2e
2018, nº 738, p. 677 - A. Bénabent, Droit des obligations,17e
éd., Dalloz,
éd., Montchrestien, 2018, nº 477, p. 341.
(54) De ce point de vue, certains auteurs ont critiqué l'emplacement de ce texte dans le Code civil, v. A. Tardos,
« Article 1302 : paiement de l'indu », RDC 2015, p. 794 - R. Libchaber, « Le malheur des quasi-contrats », Dr. et
patr. 2016, nº 5, p. 73, spéc. p. 75. Au contraire, d'autres relèvent l'opportunité de cet emplacement,
G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations - Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du
Code civil,2e
éd., Dalloz, 2018, nº 739, p. 678 et 679.
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civ., 31 oct. 1989, nº 88-16160, D. 1991, somm.
civ., 5 déc. 1995, nº 93-17457, JCP G 1996, I, 3942, nº 3, obs. Ph. Simler et

http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=92-18303 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=97-20720 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=92-18303 http://www.lextenso.fr/weblextenso/recherche/?recherche=avancee&requete.checkDocuJuris=on&requete.jurisDecision=97-20720

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