Droit du paiement - Le paiement des dettes - 70

LE PAIEMENT DES DETTES
Rappelons que, sous l'empire de l'ancien article 1690 du Code civil, la Cour de cassation
refusait au débiteur cédé de se prévaloir de la cession avant sa signification182
.
Afin de clore ce débat, le projet d'ordonnance de février 2015 prévoyait expressément
que le débiteur cédé pouvait invoquer la cession de créance dès qu'il en avait connaissance.
Or, certains auteurs s'opposaient à cette admission au motif que « les parties
(doivent) maîtriser totalement l'opposabilité de la cession au débiteur »183
. Alors que
l'ordonnance de 2016 n'a pas repris la prescription du projet de la Chancellerie,
d'autres membres de la doctrine le regrettent184
. Au soutien de leur position, ils invoquent,
d'une part, l'article 1200, alinéa 2 du Code civil, aux termes duquel les tiers (en
l'occurrence le débiteur cédé) peuvent se prévaloir de la situation juridique créée par le
contrat, notamment pour apporter la preuve d'un fait185
.
et déplorent, d'autre part, que le
législateur n'ait pas rapproché la cession de créance de la subrogation en étendant à la
première la règle admise pour la seconde, à savoir que le débiteur peut se prévaloir de
la subrogation « dès qu'il en a connaissance »186
Pour notre part, nous nous interrogeons sur le fait de savoir si le débiteur, désireux de se
prévaloir de la cession, ne pourrait pas contourner la difficulté en prenant acte de la
cession de créance, comme l'y autorise désormais l'article 1324 du Code civil.
β) L'opposabilité aux autres tiers
163 Opposabilité à la date de l'acte - Àl'égard des tiers autres que le débiteur cédé,
l'article 1323 du Code civil n'impose aucune formalité d'opposabilité particulière. Il
prévoit, à son alinéa 2, que la cession d'une créance présente leur est opposable à la
date de l'acte et, à son alinéa 3, que l'opposabilité d'une créance future n'aura lieu
qu'au jour de naissance de la créance187
.
Le texte ajoute de surcroît qu'« en cas de contestation, la preuve de la date de la cession
incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tout moyen ». Il est alors recommandé
aux parties de faire rédiger un acte notarié ou de procéder à l'enregistrement de l'acte de
cession sous signature privée afin de lui conférer une date certaine188
.
164 Avantages - Cette règle d'opposabilité est plus souple que ce qui était admis dans le
droit antérieur puisque la cession était opposable aux tiers à partir de la signification au
débiteur ou de l'acceptation par lui de la cession dans un acte authentique189
.
(182) Cass. civ., 20 juin 1938, DP 1939, 1, p. 26, note Weill - Cass. civ., 27 nov. 1944, D. 1945, p. 78.
(183) M. Julienne, « Cession de créance : transfert d'un bien ou changement de créancier », Dr. et patr. 2015, nº 249,
p. 69, spéc. p. 70.
(184) G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du
Code civil,2e
éd., Dalloz, 2018, nº 868, p. 787 - L. Aynès, D. 2009, p. 842.
(185) L. Aynès, D. 2009, p. 842 : « Quant au cédé, pourrait-il l'invoquer si c'était son intérêt, par exemple s'il a payé le
cessionnaire ? Une réponse affirmative s'impose car contrairement à ce qu'a jugé la Cour de cassation en 1938
(Civ. 20 juin 1938, DP 1939, I, 26, note Weill), l'(ancien) article 1165 du Code civil n'interdit pas à un tiers
d'invoquer les effets d'un contrat si c'est son intérêt. On pourrait aussi tirer argument de l'(ancien) article 1321 du
Code civil, et du principe selon lequel les tiers peuvent invoquer un acte secret, si tel est leur intérêt ».
(186) C. civ., art. 1346-5, al. 1er
.
(187) Toutefois, l'ordonnance no 2021-1192 du 15 sept. 2021 portant réforme du droit des sûretés (JO 16 sept. 2021),
qui entrera en vigueur le 1er
janvier 2022 a abrogé l'alinéa 3 de l'article 1323 du Code civil afin que la cession
prenne effet, même lorsqu'elle porte sur une créance future, à la date de l'acte. V. infra.
(188) V. en ce sens, M. Julienne, « Cession de créance : transfert d'un bien ou changement de créancier », Dr. et patr.
2015, nº 249, p. 69, spéc. p. 70 - C. Gijsbers, « Le nouveau visage de la cession de créance », Dr. et patr.
juill.-août 2016, p. 53 et 54.
(189) C. civ., anc. art. 1690. V. supra.
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