Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé - 24

LA PRÉVENTION DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES DANS L'AUPC RÉVISÉ

17. Le rapport d'audit préalable de 2013 présentait donc, de manière très
détaillée, les limites textuelles de l'AUPC de 1998, ainsi qu'un certain nombre
d'insuffisances révélées par la pratique. S'agissant par exemple de la durée excessive des procédures collectives régies par l'AUPC, et plus particulièrement des
procédures de règlement préventif, l'analyse des décisions rendues par les tribunaux de l'espace communautaire laissait apparaître, de manière flagrante et répétée, le non-respect des délais de procédure notamment par les magistrats, les
experts et les syndics, parfois par les débiteurs. Ainsi, dans une affaire soumise à
la compétence du tribunal de première instance de Libreville, une ordonnance de
suspension des poursuites individuelles et de nomination d'un expert avait été
rendue le 26 juin 2003 suite au dépôt d'une requête en règlement préventif. Or, le
rapport de l'expert, censé être déposé au maximum trois mois après cette date,
n'avait été rendu que huit mois plus tard. Ensuite, onze autres mois étaient passés
avant que la juridiction compétente ne se prononce sur l'homologation du concordat préventif proposé. En l'espèce, elle avait sans surprise constaté la cessation des
paiements du débiteur et prononcé son redressement judiciaire29.
18. Une autre affaire illustrant le non-respect des délais légaux au cours des
procédures préventives antérieures à la réforme est l'affaire Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie de la Côte d'Ivoire c/ Delbau où une ordonnance de suspension des poursuites rendue le 22 mai 2007 avait fait suite au dépôt
par la débitrice d'une requête en règlement préventif. Dans la même ordonnance,
conformément à l'ancien article 8 de l'AUPC, un expert chargé de faire un rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise avait été nommé. Ici,
la décision homologuant le concordat préventif proposé n'avait été rendue que le
14 janvier 2008, soit près de huit mois plus tard30. Dans ces deux affaires, comme
dans toutes les autres à quelques exceptions près, aucune action en responsabilité
contre l'expert défaillant n'avait été engagée31.
19. Les très nombreux cas de violation des délais de procédure, non suivies de
sanctions quoique préjudiciables à l'atteinte des objectifs du règlement préventif,
avaient amené la République de Côte d'Ivoire à saisir la Cour Commune de Justice
et d'Arbitrage (CCJA) par une demande d'avis du 26 juin 2007. Elle souhaitait
connaître la position de la Cour sur le caractère des délais contenus dans l'AUPC et
la sanction de leur violation. Cette unique demande d'avis à la CCJA en matière de
règlement préventif partait du constat que les procédures de règlement préventif,
loin de durer trois ou quatre mois, excédait souvent très largement les délais légaux,
mettant ainsi en péril les intérêts des créanciers32. La suspension des poursuites était
en effet devenue un moyen pour les débiteurs malhonnêtes de se soustraire à leurs
obligations de remboursement. Malheureusement, la CCJA n'avait pas vraiment
apporté de solutions satisfaisantes au problème posé puisqu'elle avait décidé qu'il
revenait aux juges d'apprécier l'opportunité et le type de sanctions à appliquer en
cas de violation de délais de procédure non assortis de sanctions spécifiques dans
29. TPI Libreville, jugement du 17 janvier 2005, répertoire n° 02/2004/2005.
30. En principe, le tribunal n'avait qu'un délai d'un mois entre le dépôt du rapport et sa décision.
Entre la décision de nomination de l'expert et celle statuant sur le concordat préventif, le délai ne
devait excéder cinq mois.
31. AUPC de 1998, art. 13 al. 2. « L'expert est tenu de respecter le délai prévu par l'alinéa
précédent, sous peine d'engager sa responsabilité auprès du débiteur ou des créanciers ».
32. Issa-Sayegh J., Pougoue P.-G. et Sawadogo F. M. (coord.), OHADA, Traité et actes
uniformes commentés et annotés, éd. 2015, 2016, Juriscope, p. 1175.

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