Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 13 - La prévention des difficultés des entreprises dans l'AUPC révisé - 47

L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE ET L'HOMOLOGATION DU CONCORDAT

aux entreprenants était relayée par la quasi-totalité des auteurs africains, l'élargissement aux artisans et aux agriculteurs ne faisait pas l'unanimité23. Une partie de la
doctrine avait jusque-là justifié leur exclusion de l'AUPC par la difficulté d'organiser ces professions à l'image de celle des commerçants, et par le fait que leurs activités ne donnaient généralement pas naissance à un passif important justifiant l'ouverture d'une procédure collective24. Malgré ces réticences, le législateur a tranché
en faveur de l'application de l'AUPC révisé à ces catégories professionnelles.
66. Cette extension de l'AUPC aux agriculteurs et aux artisans est avant tout
une réponse du législateur aux vives critiques souvent exprimées à l'endroit d'un
droit uniforme taxé de « pro-investisseurs étrangers », et d'insuffisamment adapté
aux réalités socioculturelles africaines25. L'extension des procédures de l'AUPC
aux agriculteurs se comprend lorsqu'on considère que plus de 52 % de la population active en Afrique mène des activités agricoles26. Le développement de la
mécanisation, la mondialisation des marchés, l'augmentation de la productivité et
la valorisation croissante du potentiel agricole par les gouvernements ont en effet
fait de l'agriculture un secteur clé pour l'économie africaine. Le législateur a logiquement voulu accompagner les États dans leur politique de promotion des activités agricoles mais aussi artisanales. Cette décision correspond toutefois davantage à une volonté d'uniformiser le régime des procédures préventives et curatives
de l'OHADA, qu'à une réelle urgence observée dans la pratique. En effet, les
agriculteurs susceptibles de recourir à l'AUPC sont généralement organisés sous
forme sociétaire, du fait de l'importance de leurs exploitations.
67. La question que l'on peut cependant se poser au regard de l'énoncé de l'article 1-1 al. 1 sus-cité est celle de savoir si les personnes visées doivent, afin de bénéficier des dispositions de l'AUPC, avoir accompli les formalités exigées par les législations nationales pour être reconnues comme artisans ou agriculteurs. Au Cameroun
par exemple, la loi exige que les artisans se fassent enregistrer dans un répertoire tenu
par la commune de leur ressort d'activités afin de jouir des avantages et services mis
en place par l'État27. Au Gabon, l'exploitant agricole reconnu par l'État est celui qui
s'est inscrit au registre du ministère de l'agriculture et qui a par la suite, obtenu l'agrément technique d'exploitant agricole délivré par les autorités compétentes28. La loi
uniforme n'apporte malheureusement aucune précision à ce sujet. A priori, les acteurs
économiques qui ne pourront justifier de leur statut d'artisan ou d'agriculteur car
23. Dans le sens d'une extension du droit des procédures collectives aux agriculteurs, v. KotoTcheka A., Le règlement préventif dans l'espace OHADA, thèse, Petel P. et Mba-Owono C. (dir.),
2012, universités de Montpellier I et d'Omar Bongo, p. 43.
24. Roussel-Galle P., « OHADA et difficultés des entreprises. Étude critique des conditions et
effets de l'ouverture de la procédure de règlement préventif », RJ Com., 2001, n° 2, p. 9 et s.
25. Bourel P., « À propos de l'OHADA : libres opinions sur l'harmonisation du droit des
affaires en Afrique », D., 2007, n° 14, p. 969 et s. ou réf. Ohadata D-11-97.
26. Des chiffres clés sur l'agriculture sont fournis par le Mouvement pour une Organisation
Mondiale de l'Agriculture (MOMAGRI), en ligne (www.momagri.org).
27. V. la loi n° 2007/004 du 13 juillet 2007 régissant l'artisanat au Cameroun, art. 10 (1). Dans
cette optique, le 24 mai 2013, la Direction de l'artisanat et des migrations du secteur informel du
ministère en charge des petites et moyennes entreprises a organisé à Yaoundé, la cérémonie de remise
solennelle à la Chambre de commerce, d'industrie, des mines et de l'artisanat, des registres communaux
d'enregistrements des artisans et des entreprises artisanales. En Côte d'Ivoire, l'article 33 de la loi
n° 2014-338 du 5 juin 2014 relative à l'artisanat, organise l'immatriculation au Registre des Métiers
des personnes physiques exerçant des activités artisanales.
28. Guide pratique de l'agriculture, document du ministère de l'agriculture, de l'élevage, de la
pêche et du développement durable gabonais, 2013, p. 24.

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