Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Le traitement judiciaire des entreprises en difficulté - Tome 14 - 335

UNE AUTORITÉ NON JUDICIAIRE DE DÉTECTION DES DIFFICULTÉS

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d'office par le juge - de toute autre requête432, par exemple, il n'est pas possible pour
le créancier de demander au principal, l'ouverture d'une procédure collective, et, à
titre subsidiaire, le paiement de sa créance433. Cela limite fortement l'intérêt de l'action
pour le créancier insatisfait. Il en va de même quant à l'aboutissement de sa demande
puisque, selon l'appréciation souveraine des juges du fond, elle autorise seulement
l'ouverture d'une procédure collective, ce qui ne signifie pas nécessairement le paiement de la créance en cause434. À défaut, si l'action se révèle infondée435, c'est la responsabilité du créancier demandeur qui peut être engagée, ce à quoi les juges veillent
particulièrement en faisant montre « d'une grande bienveillance envers des débiteurs
mauvais payeurs et d'une non moins grande férocité à l'encontre de créanciers dont le
seul tort est d'insister pour être payés »436 et en recourant, s'il le faut, à la responsabilité délictuelle du droit commun437. Il est certain que la mise en œuvre d'une telle
action par le créancier constitue une formidable prérogative438, notamment au regard
du traitement du surendettement.
En conséquence, en pratique, l'assignation ne peut être le fait que de quelques
créanciers qui se trouvent, pour sa mise en œuvre, dans une situation privilégiée439. Cela
vise les créanciers institutionnels - URSSAF, Trésor public, établissements financiers
notamment - qui sont à même de se constituer la preuve d'une cessation des paiements
véritable et, sinon, à pouvoir supporter la responsabilité qui en résulterait.
432. C. com., art. R. 631-2 et R. 631-2, al. 2.
433. Pour un exemple récent, TC  Valenciennes, 29  avril 2013, n°  2013002197 et  2013002198,
aff. URSSAF NPDC ; Act. proc. coll., mai 2013, alerte 115 ; il a été jugé que cette solution ne s'applique
pas à la demande d'extension de la procédure, Cass. com., 9 juill. 2013, n° 12-16.635 ; Bull., IV, n° 119 ;
not.  RPC, 2014, comm.  1, n.  p. Cagnoli ; Procédures, 2013, comm.  291, n. B. Rolland ; pour la
jurisprudence ancienne contraire, com., 1er déc. 1992, n°  90-20.409 ; Bull.  civ., IV, n° 383  et com., 17
fév. 1998, n° 95-14.839 ; Bull. civ., IV, n° 74.
434. C'est donc seulement espérer par l'ouverture d'une procédure collective, la promesse d'un
paiement échelonné ou provoquer la réalisation d'actifs pour un paiement hypothétique à condition
d'être classé en rang utile ou, encore, la possibilité pour un créancier concurrent de se présenter comme
un repreneur, Voinot (D.), manuel précit., sp. n° 222 ; pour rappel, les créanciers peuvent proposer un
plan de redressement, C. com., art. L. 631-19, al. 2.
435. L'action est qualifiée d'abusive, y compris lorsqu'elle exercée un peu trop légèrement, sans
besoin de caractériser particulièrement l'élément intentionnel de la définition classique de l'abus en
droit ; par ex., Cass.  com., 5  déc. 1989, n°  88-10.340 ; Bull.  civ., IV, n° 305 ; RDB, 1990, p.  140, n.
M.-J. Campana et J.-M. Calendini ; critique au regard de la notion d'abus, Mestre (J.), « Réflexions sur
l'abus du droit de recouvrer sa créance », in Mél. P. Raynaud, Dalloz, 1985, p. 439 s., sp. n° 28 ; d'une
manière plus générale sur la notion d'abus, Saint-Alary-Houin (C.), « La moralisation des procédures
collectives : regards sur la jurisprudence récente », in Mél. G. Farjat, op. cit., p. 503-515.
436. Pérochon (F.), manuel précit., sp. n° 386.
437. Par ex., considérant « que la demande de mise en redressement judiciaire ne peut être utilisée
comme moyen de pression pour obtenir le règlement de dettes », engage la responsabilité délictuelle du
créancier assignant, Cass.  com., 1er oct.  1997, n°  95-13.262 ; Bull., IV, n°  233, p.  204 ; D.  aff., 1997,
p. 1258 ; JCP E, 1998, p. 469, n. F.-X. Lucas ; également, v. Mestre (J.), Le droit pour le créancier de
recouvrer son dû... et ses limites, RTD civ., 1990, p. 477 s.
438. A. ainsi lieu la pratique des « assignations-menaces » qui consistent, pour le créancier impayé,
à initier une telle action pour exercer une pression judiciaire sur le débiteur défaillant afin qu'il s'exécute ;
le créancier retirant sa demande dès l'obtention du paiement ; par ex., Delattre  (C.), L'assignation
« pression » existe toujours, n. sous arrêts (TC), RPC, 2009/6, comm. 142 ; Pétel (P.), Redressement et
liquidation judiciaires des entreprises, JCP G, 1998/7, I, 111, sp. n° 45 ; Robine (D.), n. sous Cass. com.,
1er  mars 2005, GP, 2006/173, p.  40 s. ; sur le sujet, v.  Lucas  (F.-X.), « L'assignation téméraire en
redressement judiciaire », in Mél. AEDBF-France, t. II, éd. Banque, 1999, p. 271-284 ; le risque principal
pour l'entreprise est le dévoilement de ses difficultés.
439. Ce qui peut aboutir à une rupture du principe d'égalité de tous devant la Justice, CEDH,
art. 6, § 1 et, au plan interne, issu du principe d'égalité devant la loi, DDHC, art. 6.
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