Bibliothèque de droit privé - Tome 582 - La qualification générique de contrat d'entremise - 282

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LA QUALIFICATION GÉNÉRIQUE DE CONTRAT D'ENTREMISE

remise matérielle d'une somme d'argent (par exemple) serait équivoque. Naturellement, si un débiteur remet à son créancier la somme d'argent qu'il lui doit, il faut
considérer que le débiteur a manifesté tacitement une volonté d'accomplir le paiement. Mais voilà un débiteur qui fait une remise matérielle de somme d'argent non
en tant que paiement mais comme gage, en vue d'obtenir un délai de paiement
supplémentaire. Il est clair que dans cette hypothèse, l'absence de volonté de payer
exclut tout paiement, ce qui veut bien dire qu'une telle volonté est nécessaire. Certes,
elle peut être manifestée tacitement, tant il est évident qu'un débiteur qui donne
spontanément une somme d'argent à son créancier veut en réalité éteindre sa dette,
mais elle devra nécessairement exister pour que le paiement soit valable.
Dès lors, le paiement d'une obligation de transférer la propriété doit s'analyser en un acte juridique, la volonté des parties étant indispensable à la production
d'effets de droit.
612. La volonté insuffisante à l'existence d'un paiement d'une obligation de
transférer la propriété. Reste qu'il n'est pas du tout évident que cette volonté soit
suffisante. En réalité, dans le cadre d'un paiement en espèce, la mise en possession
régulière vaut titre. « Le paiement apparaît alors comme une opération profondément réelle : elle se forme re et c'est pour elle la seule manière de se former. Jusqu'à
la remise « de la main à la main », le débiteur (ou le tiers qui exécute à sa place)
demeure pleinement propriétaire des espèces monétaires. Après la remise, le créancier (ou la personne désignée pour recevoir à sa place) est définitivement payé »66.
C'est intéressant parce que cela veut dire qu'au fond, en ce domaine, le transfert de propriété (qui fait précisément dire qu'il s'agit d'un acte juridique) résulte
finalement de la tradition. Il n'y a pas d'abord un accord de volonté des parties
qui entraîne le transfert et quelques instants plus tard, une remise de la main à la
main. Non, c'est la remise matérielle des fonds qui vaut transfert de propriété67.
Dès lors, s'il est indéniable que la volonté de payer est essentielle à l'accomplissement d'un paiement, il semble que la remise matérielle le soit tout autant.
613. Le paiement d'une obligation de transférer la propriété est un acte juridique. Mais il est toujours possible de soutenir que « le fait compte moins que
l'acte : la réalisation de l'obligation s'appuie certes sur la matérialité d'un fait, qui
se remarque d'ailleurs plus que la volonté à mesure que les paiements de sommes
d'argent se mécanisent ; mais, parce qu'elle passe aussi par une modification volontaire de la situation juridique respective des parties, elle ne s'obtient qu'au terme
d'un concours de volontés, qui façonne un acte juridique »68. Une comparaison avec
les contrats réels est ici éclairante. Un tel contrat n'existe qu'une fois la remise de
la chose opérée. Un acte matériel est donc indispensable à l'existence de la
66. A. SÉRIAUX, op. cit.
67. C'est exactement le même raisonnement qui peut être tenu à propos des virements bancaires,
« le paiement n'advient que lorsque le compte bancaire de l'accipiens a été effectivement crédité. Le seul
fait que le solvens ait, en toute bonne foi, adressé à son banquier l'ordre de procéder au virement ne suffit
pas », ibid. Monsieur Sériaux poursuit toutefois que tout cela est à relativiser : « Dès la remise du
chèque le bénéficiaire acquiert la propriété de la provision » et il est possible de faire un don manuel
simplement par la remise d'un chèque. Ainsi, dès la remise du chèque, il faut considérer que le
paiement s'opère car la propriété de la provision est transmise. Mais peu importe, à l'instar des
hypothèses précédentes, le paiement reste pareillement subordonné à la remise matérielle du bien, ici
le chèque. C'est la remise matérielle du chèque et non la seule volonté du débiteur qui vaut paiement.
68. G. LOISEAU, op. cit.

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