Bibliothèque de droit public - Tome 301 - Le juge administratif et les revirements de jurisprudence - 124

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LE JUGE ADMINISTRATIF ET LES REVIREMENTS DE JURISPRUDENCE

devant les juridictions administratives ne relevant pas du Code de justice administrative et pour lesquelles aucun texte n'a prévu l'existence d'une telle voie de
recours « en vertu d'une règle générale de procédure découlant des exigences de la
bonne administration de la justice, à l'égard d'une décision passée en force de chose
jugée, dans l'hypothèse où cette décision l'a été sur pièces fausses ou si elle l'a été
faute pour la partie perdante d'avoir produit une pièce décisive qui était retenue par
son adversaire ». Dans cette affaire, le Conseil d'État était saisi d'un recours tendant à l'annulation d'une décision par laquelle le Haut Conseil du commissariat
aux comptes a confirmé une décision de la chambre régionale de discipline des
commissaires aux comptes du ressort de la cour d'appel de Paris ayant déclaré
irrecevable le recours en révision formé par M. Serval contre une décision rendue
le 1er décembre 2004 par la même chambre régionale. Le Conseil d'État, en application de la jurisprudence nouvelle, juge que M. Serval est fondé à demander
l'annulation de la décision contestée du Haut Conseil du commissariat aux
comptes et renvoie l'affaire à ce dernier. Par cet arrêt la section du contentieux ne
ferme donc pas une voie de recours mais en ouvre une qui n'existait pas. Toutefois, elle précise que ce recours doit être exercé dans un certain délai (deux mois à
compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle
invoque). C'est ce délai que le Haut Conseil du commissariat aux comptes a par
la suite opposé au requérant. Saisi d'un pourvoi en cassation tendant à l'annulation de cette décision rejetant le recours en révision au motif qu'il serait forclos, le
Conseil d'État juge, dans un arrêt en date du 17 décembre 2014, que s'il appartenait au Haut conseil du commissariat aux comptes d'appliquer la règle selon
laquelle la voie du recours en révision est ouverte devant les juridictions administratives qui ne relèvent pas du code de justice administrative et pour lesquelles
aucun texte n'a prévu un tel recours « il ne pouvait, sans porter atteinte au droit au
recours de M. A..., opposer à ce dernier la circonstance que le délai de deux mois
aurait couru à compter du 17 mars 2007, jour où l'intéressé aurait eu connaissance
de la cause de révision qu'il invoquait, dès lors que cette règle de forclusion a été
énoncée pour la première fois par la décision du Conseil d'État du 16 mai 2012 ; que
M. A... est par suite fondé à soutenir que la décision attaquée est, sur ce point,
entachée d'erreur de droit ». Le Conseil d'État module donc les effets dans le
temps de la règle nouvelle consacrée dans son arrêt du 16 mai 2012 mais seulement en ce qu'elle subordonne la recevabilité du recours en révision à ce que ce
recours soit exercé dans un délai de deux mois à compter du jour où l'intéressé a
eu connaissance de la cause de révision qu'il invoque. Le Conseil d'État use donc
ici de son pouvoir de modulation non pas parce que la règle nouvelle porte atteinte
au droit de recours en fermant une voie de droit préexistante (bien au contraire
puisque la jurisprudence nouvelle ouvre une nouvelle voie de droit), mais parce
que l'application au litige des modalités d'exercice du nouveau recours en révision
aurait privé M. Serval de toute possibilité de recours. Notons toutefois que le
Conseil d'État rejette pour un autre motif le recours en révision du requérant.
Dans le même sens, dans l'arrêt « Ministre c/  Société Export Press »112 du
2 décembre 2016, le Conseil d'État a modulé dans le temps les effets de sa jurisprudence nouvelle non pas parce que la règle nouvelle ferme une voie de droit
112. Ce, Sect., 2  décembre 2016, « Ministre de l'économie et des finances c/  Société export
Press », req.  n°  387613 (à paraître au recueil) ; COLLeT (M.), Observations sous Ce, Sect.,
2 décembre 2016, « Ministre de l'économie et des finances c/ Société export Press », JCP G, 2017,
n° 4, p. 145 à 148 ; NÉGrIN (O.), Note sous Ce, Sect., 2 décembre 2016, « Ministre de l'économie et
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