Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 134 - L'interprétation des conventions américaine et européenne des droits de l'homme - 434

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L'INTERPRÉTATION DES CONVENTIONS AMÉRICAINE ET EUROPÉENNE
DES DROITS DE L'HOMME

882. Tout comme la Cour européenne, elle reconnaît néanmoins une marge de
manœuvre aux États dans la mise en œuvre de ces droits97. La Cour souligne que le
droit international n'impose pas de système électoral déterminé ni de modalités précises de mise en œuvre des droits de vote et d'éligibilité98. Elle ne fait donc qu'établir
des règles minimales et laisse le choix aux États de déterminer, en fonction de la
réalité sociale, politique, historique et culturelle du moment quel est le système le
plus approprié, dans la mesure où ils se conforment au standard conventionnel99.
Cette marge nationale d'appréciation ainsi concédée est cependant soumise à un
contrôle beaucoup plus poussé qu'au niveau européen. Cette réglementation doit
en effet remplir les exigences de légalité, de finalité légitime, de nécessité et de proportionnalité100 mais doit aussi ne pas être discriminatoire. La Cour lit en effet l'article 23 de manière combinée avec les articles 1.1 et 24 relatifs au principe d'égalité
et à la non-discrimination, et affirme que les droits politiques doivent être garantis
par l'État « dans des conditions d'égalité »101. Or, on l'a constaté, la Cour entend le
principe d'égalité non pas comme l'égalité devant la loi mais comme l'égalité réelle,
dite encore substantielle102. Pour l'atteindre, elle impose alors aux États d'adopter
des mesures spécifiques en vue de prendre en considération « la situation de fragilité
ou de détresse dans laquelle se trouvent les membres de certains secteurs ou groupes
sociaux »103. Aussi, les minorités, dans la mesure où elles sont dans une position de
vulnérabilité caractérisée, doivent pouvoir bénéficier de mesures spécifiques, sans
quoi leurs droits politiques sont violés.
883. Une restriction aux droits politiques, telle que le fait d'imposer une
condition d'affiliation à un parti peut alors être - ou non - considérée comme
une violation de l'article 23 en fonction de son titulaire. Dans l'affaire Castañeda
Gutman c. Mexique, la Cour constate que la victime ne représente pas les intérêts
d'un quelconque groupe vulnérable ou marginalisé qui serait de facto privé de
l'accès au droit d'éligibilité, et qu'elle a eu la possibilité de s'affilier à un parti ; ses
droits politiques n'ont donc pas été violés104. Dans l'affaire YATAMA c. Nicaragua,
97. La Cour cite l'arrêt de la Cour EDH, Hirst c. Royaume-Uni (n° 2), loc. cit., § 36. La Cour
reconnaît en effet que les droits politiques peuvent faire l'objet de limitations et que les États peuvent
donc imposer des conditions pour pouvoir exercer ces droits, idem, § 199.
98. Cour IDH, Castañeda Gutman c. Mexique, loc. cit., § 162. La Cour reconnaît l'existence de
différents systèmes compatibles avec la Convention (idem, § 173), solution qui est saluée par la
doctrine. Voir, par exemple, C. M. Pelayo Möller et S. J. Vázquez Camacho, « El caso Castañeda
ante la Corte Interamericana de Derechos Humanos », Anuario Mexicano de Derecho Internacional,
vol. IX, 2009, p. 808.
99. Cour IDH, Castañeda Gutman c. Mexique, loc. cit., § 166. Parmi ces règles minimales se
trouve l'obligation faite aux États de mettre en place un système électoral prévoyant des élections
périodiques, authentiques, par le biais du suffrage universel et équitable, à bulletin secret et qui garantit
la libre expression de la volonté des électeurs, idem, § 158. Les États ont donc la possibilité de
réglementer la participation politique mais seulement lorsque ces règles sont « raisonnables au regard
des principes de la démocratie représentative », idem, § 206.
100. Idem, § 149.
101. Cour IDH, YATAMA c. Nicaragua, loc. cit., § 194. Aussi, les citoyens doivent pouvoir élire
librement et de manière égale leurs représentants (idem, § 198), mais aussi candidater à des charges
électorales dans des conditions d'égalité (idem, § 206).
102. Au sujet de l'appréhension du principe de non-discrimination par la Cour interaméricaine
reflétant une prise en compte de l'égalité substantielle et aboutissant à la reconnaissance de groupe
méritant égal respect et pouvant être titulaire de droits, voir supra, Voir supra, Partie 2, Titre 2,
Chapitre 1, Section 2, § 1), B).
103. Cour IDH, YATAMA c. Nicaragua, loc. cit., § 101.
104. Cour IDH, Castañeda Gutman c. Mexique, loc. cit., § 172.

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