Les Mélanges - Mélanges en l'honneur de Jérôme Huet - 262

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LE TATOUEUR, LE TATOUÉ, LE TATOUAGE ET LE DROIT D'AUTEUR

plus clairement de la réputation du tatoué. La célébrité de celui qui l'exhibe
confère au tatouage un attrait particulier auprès du public. Dans ces conditions,
le tatoueur, titulaire des droits d'auteur sur cette image, doit-il être le seul bénéficiaire de l'augmentation de la cote de l'œuvre tatouée due à la notoriété grandissante du tatoué ? Cette question était au cœur de la dispute qui a opposé David
Beckham à l'auteur du dessin en forme d'ange aux ailes déployées tatoué dans le
dos du célèbre milieu de terrain. Le tatoueur-auteur souhaitait consentir une cession des droits sur ce motif à un industriel japonais qui projetait d'en orner une
ligne de vêtements, mais le footballeur tatoué s'y était opposé. « L'histoire de ma
vie est inscrite dans ma peau »90, aurait-il déclaré, signifiant ainsi le lien étroit
unissant sa personnalité aux images couvrant son épiderme. Le tatouage n'est-il
pas, selon un éminent sociologue, « une sorte de signature de soi par laquelle
l'individu s'affirme dans une identité choisie »91 ? Comme le footballeur menaçait
de faire valoir « ses droits » devant un tribunal, le tatoueur-auteur a finalement
renoncé à la vente des droits d'exploitation de l'œuvre. Cette affaire doit être
rapprochée du contentieux qui a concerné les tatouages d'une vedette du basket
américain, Dennis Rodman92. Ayant appris que la société Fanatix Apparel distribuait des chemises reproduisant les tatouages du sportif93, sans que son accord ait
été sollicité, celui-ci saisit un juge et obtint une ordonnance interdisant la poursuite de cette commercialisation. La décision a été motivée, non pas par une
quelconque revendication de droits d'auteur de la part du basketteur tatoué, mais
en considération du fait que celui-ci avait choisi soigneusement le motif de chaque
dessin, que les tatouages en question étaient reconnaissables comme étant ceux de
Dennis Rodman, connu sous le sobriquet « Tattoo Man », et que ces tatouages,
parfaitement identifiés, avaient été précédemment diffusés dans des campagnes
publicitaires... L'immense célébrité du basketteur et la relation automatiquement
établie par le public entre les tatouages et sa personne, ont contribué à donner à
ces images une valeur de signe distinctif, particulièrement auprès des supporters,
a estimé la cour de district du New Jersey94. Par ailleurs, le juge a relevé que les
vêtements portant ces reproductions ont été mis en vente à un prix élevé et souligné que la seule raison de cette valorisation était l'identification de l'acheteur au
sportif. Selon lui, les chemises en question pourraient n'avoir eu aucune valeur
commerciale si elles n'avaient été associées au fameux basketteur95. En
90. En ligne [www.purepeople.com].
91. Préface de D. Le Breton in Müller E., Une anthropologie du tatouage contemporain,
p. 11.
92. Affaire rapportée par Carrière L., « Tatouage, droit d'auteur et marque de
commerce : quelques réflexions », op. cit., p. 9 et 23. Cf. DNJ, 28 mai 1996, n° 96-2103,
Denis Rodman c. Fanatix Apparel, Inc., en ligne [http ://www.lectlaw.com/files/case05.htm].
93. Placés aux mêmes endroits que sur le corps du sportif.
94. « As a result of plaintiff's great public visibility and the public's association of plaintiff
with these tattoos, the tattoos have attained and now possess a secondary and distinctive
trademark meaning to the general public, particularly to sports fans ».
95. « The only reason why these shirts could have comanded such premium prices was
their identification with plaintiff... In fact, the shirts would have had no commercial value but
their association with the plaintiff. »

http://www.purepeople.com

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