Hors collection - Les lanceurs d'alerte - 126

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LE LANCEUR D'ALERTE DANS L'UNIoN EURoPÉENNE

insuffisances de la protection des lanceurs d'alerte. La notion d'intérêt public
n'étant pas chimiquement pure, il s'avère impossible en pratique de différencier ce qui relève de la revendication personnelle ou professionnelle et ce
qui relève de la défense « pure » de l'intérêt public, les deux étant en pratique
intimement liés. De plus, comme l'ont constaté nombre de commentateurs
de la directive, la notion même d'intérêt général ou d'intérêt public dans le
cadre du droit de l'Union européenne est problématique, de sorte qu'il paraît
particulièrement difficile de déterminer quelles seraient les hypothèses dans
lesquelles un secret des affaires aurait été révélé « dans l'intérêt public »49.

B. Des protections parcellaires et incomplètes
Enfin, le droit européen, tant de la Convention européenne des droits de
l'homme que de l'Union européenne, pèche par le caractère parcellaire et
incomplet des protections accordées aux lanceurs d'alerte.
S'agissant de la Cour européenne des droits de l'homme d'une part, il
convient de rappeler à nouveau que la jurisprudence Guja ne vise pas tant
à protéger les lanceurs d'alerte qu'à fixer les hypothèses dans lesquelles une
divulgation au public peut-être considérée comme légitime au regard des divers
intérêts en jeu. or, pour parvenir à passer le « cap » de cette jurisprudence, la
Cour considère notamment que les sanctions prises à l'encontre de magistrats
ou de salariés d'organismes publics ou privés qui ont divulgué des informations « que les citoyens ont un grand intérêt à voir publier ou divulguer »
constituent une violation à leur droit d'expression au sens de l'article 10 de
la Convention EDH. Parmi les informations que les citoyens ont un grand
intérêt à voir divulguer - publiquement ou non - figurent notamment, dans
la jurisprudence post Guja, les défaillances dans la délivrance de soins par
l'État50, le manque d'indépendance de la justice51, les abus de pouvoir commis
par des hauts fonctionnaires52, les comportements contraires à la déontologie
des professionnels de santé53, l'existence d'un programme illégal de surveillance des communications54. or, tous ces exemples montrent que le droit pour
un lanceur d'alerte membre d'organisations de s'exprimer en public requiert
l'existence d'une violation de l'intérêt général atteignant un seuil important de
gravité, ce qui exclut nombre des lanceurs d'alerte « de droit commun » dont
49. Aplin T., "A Critical Evaluation of the Proposed EU Trade Secrets Directive", King's
College London Law School Research Paper No. 2014-25, 18 juin 2014.
50. CEDH, 5e sect., 21 juill. 2011, Heinish c. Allemagne, req. n° 28274/08.
51. CEDH, GC, 12 fevr. 2008, Guja c. Moldavie, req. n° 14277/04.
52. CEDH, 1e sect., 26 fevr. 2009, Kudeshkina c. Russie, req. n° 29492/05.
53. CEDH, 5e sect., 17 oct. 2011, Sosinowska c. Pologne, req. n° 10247/09.
54. CEDH, 2e sect., 8 janv. 2013, Bucur et Toma c. Roumanie, req. n° 40238/02.
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