Hors collection - Les lanceurs d'alerte - 415

JACQUES ToUBoN

407

or, le Défenseur des droits n'a pas vocation à se prononcer sur le caractère
sérieux ou non d'une alerte ainsi que cela a été dit à maintes reprises au cours
des débats parlementaires. Il n'en aurait d'ailleurs pas les ressources, le législateur visant un champ extrêmement large (alertes dans le domaine économique,
fiscal, sanitaire, environnemental, etc.).
Dès lors, il serait apparu ab initio comme le soutien d'une partie. on voit
mal comment il aurait pu ensuite intervenir sans que le mis en cause considère
qu'il s'était départi de son impartialité et que, par suite, il se trouvait en quelque
sorte « disqualifié » pour intervenir dans le cadre d'une éventuelle réclamation
alléguant des représailles du mis en cause.
De la même façon, on peut se demander si le juge aurait accepté dans ces
circonstances de recevoir les observations du Défenseur des droits dans le
cadre d'un procès dès lors qu'il serait apparu précédemment comme une sorte
d'avocat public de la victime. Enfin, la décision d'accorder ou de refuser cette
aide aurait fait nécessairement grief (au mis en cause ou à la victime) et, par
suite, aurait été susceptible de recours devant le juge.
Cette extension des modalités d'intervention du Défenseur des droits sur un
terrain financier changeait la nature de ses missions et, par là même, la posture
de l'institution. Sans méconnaître directement les termes de l'article 71-1 de
la Constitution, cette disposition nous semblait en modifier significativement
l'esprit.
En deuxième lieu, ce soutien financier introduisait une inégalité entre les
réclamants qui s'adressent au Défenseur des droits.
Du point de vue de l'institution, on a en effet peine à mesurer la différence
entre la situation d'un lanceur d'alerte victime de représailles de son employeur
avec d'autres situations rencontrées par le Défenseur des droits dans son activité
quotidienne : l'agent d'une collectivité départementale dénonçant les mauvais
traitements infligés à certains enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance ; le
policier municipal dénonçant les ordres donnés par le maire en vue de harceler
des populations jugées indésirables ; le simple citoyen qui, victime de violences
policières, les dénonce et souhaite obtenir via le Défenseur des droits une sanction disciplinaire contre l'auteur dans l'attente d'un procès pénal ; l'administré
qui dénonce les libertés prises par le maire de sa commune avec le Code de
l'urbanisme ou les règles d'attribution de logement HLM, etc. La modification
envisagée pourrait même engendrer au mieux un effet d'aubaine, au pire un
effet pervers, en incitant certains réclamants « classiques » du Défenseur des
droits à se déclarer soudainement lanceurs d'alerte.
Dans tous ces cas de figure, le réclamant qui saisit le Défenseur des droits
peut avoir besoin d'une aide en vue de financer le recours à un avocat ou la réalisation d'une expertise. Ni plus ni moins que le lanceur d'alerte, ce réclamant
peut se trouver dans une situation financière difficile, du fait de la dénonciation
dont il est à l'origine, et avoir besoin d'un secours financier.
Hors collection - Les lanceurs d'alerte

Table des matières de la publication Hors collection - Les lanceurs d'alerte
