Droit des affaires - Assurance-vie, propriété et gestion d'actifs - 1re - 21

PROPRIÉTÉ DES ACTIFS : ENTRE RÉALITÉ ET FICTION 21

éléments, il apparaît difficile que la jouissance de l'usufruitier soit celle de
l'article 544. La seule manière de résoudre la difficulté est donc d'admettre
une dualité de la notion de jouissance, sauf à réduire la propriété à la
disposition »8. Béatrice Balivet complète l'analyse lorsqu'elle note :
« même si le triptyque romain a une vertu pédagogique, la propriété ne se
décompose pas en usus, fructus et abusus, mais représente toutes les utilités
dont le propriétaire peut seul bénéficier sur un bien. Il résulte, tant de la
lettre que de l'esprit de la loi, que le nu-propriétaire reste propriétaire
même s'il perd une ou plusieurs des utilités de son bien »9.
Dans le contexte particulier des actifs sous-jacents au contrat d'assurancevie, le souscripteur ne saurait en aucun cas être analysé comme un usufruitier, d'un point de vue juridique, mais le parallèle nous semble fort intéressant d'un point de vue économique, dès lors que l'étude conclut au maintien de la notion de propriété en dépit de l'abandon, par le propriétaire,
« [d'] une ou plusieurs des utilités de son bien ».

§ 2. Propriété apparente
Le souscripteur semble en réalité revêtir les caractéristiques du propriétaire
apparent. Comme le propriétaire économique, il est propriétaire à la surface des choses et exerce en fait les prérogatives que comporte ou permet la
propriété.
Le droit de propriété est suffisamment établi lorsque son apparence procède à la fois d'une erreur commune et invincible10 et d'une erreur individuelle de la part de celui qui a traité avec le propriétaire apparent.
L'apparence remplit en matière juridique une fonction très précise, qui est
de valider des actes qui auraient sans cela été déclarés nuls. Nous ne manquerons pas d'analyser infra (chapitre 2, section 3) l'appropriation de cette
notion d'apparence en matière fiscale, afin de déterminer si une plus
grande liberté d'action du souscripteur sur la composition des actifs sousjacents pourrait permettre à elle seule à l'administration fiscale de tenir le
souscripteur pour le véritable propriétaire.
L'apparence, d'un point de vue civil, suppose une illusion de propriété portée à l'extrême, capable de tromper toute personne (contractante ou non)
8. Frédéric ZENATI, Essai sur la nature juridique de la propriété. Contribution à la théorie du droit subjectif, thèse Lyon 3, 1981, p. 435.
9. Béatrice BALIVET, « L'émergence de l'usufruit en tant que mode d'administration autonome
du bien d'autrui ? », Droit & Patrimoine, nº 252, novembre 2015, p. 46.
10. Les critères sont particulièrement difficiles à réunir. Certaines décisions de jurisprudence se
contentent d'une croyance légitime. Voir Fernand DERRIDA et Jacques MESTRE, in Encyclopédie
Dalloz, nº 62 ; et Jacques GHESTIN, Gilles GOUBEAUX, Muriel FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil,
introduction générale, LGDJ, 4e éd., 1994, nº 797.

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