Contextes - Littératures populaires du droit - 106

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LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

premiers lexiques romains, comme les célèbres Verborums d'Aelius Gallus
ou de Justinien, aux dictionnaires en ligne contemporains, les travaux
lexicographiques en tous genres - glossaires, dictionnaires et autres répertoires - ont été rédigés et déclinés par les juristes, pour l'usage des juristes.
Nous pouvons assigner à la lexicographie juridique trois fonctions
majeures, généralement combinées, à savoir une fonction pratique, une
fonction pédagogique et une fonction doctrinale.
en premier lieu, les ouvrages lexicographiques sont des outils pour
les praticiens du droit. Leur objectif premier est de traduire les normes,
les jurisprudences, les principes et les institutions en synthèses facilement
accessibles et directement mobilisables en pratique. Précisons d'ailleurs que
ces ouvrages sont traditionnellement, du moins jusqu'à la fin du xixe siècle,
le fruit de praticiens, d'arrestographes et d'arrêtistes venus du Palais, et
sont destinés à aider leurs pairs, juges, avocats, administrateurs, notaires
ou huissiers, dans leurs activités professionnelles quotidiennes4.
en deuxième lieu, les glossaires et les dictionnaires sont de précieux
ouvrages didactiques, et les étudiants en droit constituent traditionnellement une part non négligeable de leur lectorat. S'adressant à ses étudiants,
le Professeur Karl Llewellyn disait « Vous êtes des étrangers dans ce pays
du droit. Vous n'en connaissez pas le langage. [...] Comme toute langue
étrangère, cette dernière doit être apprise : en lisant les mots, en les utilisant
jusqu'à ce qu'ils deviennent familiers ; pour le moment, en vous référant
constamment au dictionnaire »5.
philosophie et de cultures juridiques, 2004, pp. 3-16 ; S. Dauchy et V. Demars-Sion (dir.),
Les recueils d'arrêts et dictionnaires de jurisprudence (xvie-xviie siècles), La Mémoire du
Droit, Paris, 2005 ; « L'arrestographie, un genre littéraire ? », Revue d'histoire des facultés
de droit et de la culture juridique, du monde des juristes et du livre juridique, SHFD/LGDJ,
31, 2011, pp. 41-53.
4. Le lien entre arrestographie et lexicographie est particulièrement fort sous l'Ancien
Droit, et perdurera jusqu'au milieu du xixe siècle. V. notamment S. Dauchy et V. DemarsSion (dir.), Les recueils d'arrêts et dictionnaires de jurisprudence..., op. cit. ; S. Dauchy,
« L'arrestographie, science fort douteuse ? », Sartoniana, n° 23, 2010, pp. 87-99 (http://
www.sartonchair.ugent.be/file/270) ; Y. Morigiwa, M. Stolleis & J.-L. Halpérin (dir.),
« Legal interprétation in 18th century law reports », Interpretation of law in the Age of
Enlightenment. From the Rule of the King to the Rule of Law, Springer, 2011, pp. 45-60.
V. aussi A. Wijiffels et D. Ibetson, « Introduction », A. Wijiffels (dir.), Case Law in
the Making : The Techniques and Methods of Judicial Records and Law Reports, Duncker
& Humblot, Berlin, vol. 1, 1997, pp. 13-39 ; e. Meynial, « Les recueils d'arrêts et les
arrêtistes », Le Code civil 1804-1904, livre du centenaire, 1re éd., 1904, rééd. présentée par
J.-L. Halpérin, Dalloz, Paris, 2004, pp. 175-204.
5. K.N. Llewellyn, The Bramble Bush : On Our Law and its Study, édition révisée,
Oceana Publications, New York, 1950, p. 41. On retrouve, par exemple, le même programme
pédagogique dans le récent dictionnaire juridique de Pierre Lerat, explicitement intitulé
Vocabulaire du juriste débutant - décrypter le langage juridique, ellipses, Paris, 1re éd.,
2007, 2e éd., 2017.
http://www.sartonchair.ugent.be/file/270 http://www.sartonchair.ugent.be/file/270
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